Tout James Bond dans une montre
La montre de James Bond, un phantasme devenu réalité.
Mais quelle montre porte donc James Bond ? Tout a été dit et écrit sur les montres de Bond. Je vais quand même rédiger un petit topo pour celles et ceux qui seraient passé à côté des innombrables recensions web ou papier des garde-temps du plus célèbre des agents secrets de sa Majesté.
La genèse.
Aux origines, il y a l’imprécision, le hasard, la débrouille et le manque de moyens. C’est choquant, voire impensable si on parle d’horlogerie suisse. C’est paradoxal quand on évoque une des franchises les plus lucratives de l’histoire du cinéma, et, assurément, celle qui aura symbolisé le luxe effronté avec la plus étonnante longévité.
L’auteur de génie, Ian Fleming, qui trimbalait lui-même une Explorer, avait précisé dans ses romans que son « double » agent (permettez ce jeu de mot si vous connaissez le passé militaire de Fleming, officier du renseignement de la marine britannique) portait lui aussi une Rolex. Mais il n’avait donné aucune précision. Une Sub? Une Explo? Une Oyster? Bref, à l’origine du mythe, la montre officielle de 007 est bien une Rolex. C’est sûr. Vaguement. Et à l’écran? Là tout se complique.
En 1962, dans James Bond 007 contre Docteur No, Sean Connery arbore bien une Rolex Submariner référence 6538. Plus d’un demi-siècle plus tard, les adeptes de Rolex la surnomment affectueusement « la Sub », et les fans de la saga l’identifient immédiatement comme étant la « James Bond». Est-ce un hasard ? Ce modèle, décliné en de nombreuses variantes, demeure un des piliers de la marque et un des items iconiques de la panoplie de 007, avec le smoking, le Walther PPK, l’Aston Martin DB 5, les gadgets loufoques, les décors psychédéliques, l’humour graveleux, les cuites au Vodka Martini, le sexe compulsif et les jetons de casino.
Pourtant, au début du film, ce n’était pas gagné : au casino, à l’aéroport et à l’occasion de la cultissime réplique « Bond, James Bond », notre agent porte une élégante américaine produite en Suisse, la Gruen Précision 510. On la reverra 5 ans plus tard dans On ne vit que deux fois, et enfin dans Les diamants sont éternels (modèle perso de l’acteur, s’il vous plaît).
Le producteur de Dr No, Albert Broccoli, ne peut imaginer son jeune poulain écossais plonger avec une montre de soirée. Il lui passe donc sa « Tool Watch » personnelle, et Connery se retrouve équipé d’une Submariner à bracelet en nylon trop court pour son poignet velu. La Sub fut lancée en 53. On la retrouve dans Bons Baisers de Russie, dans Goldfinger et dans Opération Tonnerre.
Au passage, dans ce même Opération Tonnerre, ou plus exactement Thunderball, il y a aussi une Breitling Toptime à compteur Geiger sortie des ateliers de Q.
En 1969, Lazenby reste fidèle à Rolex mais passe au chrono.
De l’alpha (euh, le quartz japonais) à l’Omega.
En 73, Moore exhibe une Pulsar LED Astronaut P22900 à quartz ! Choking !
En 77, sa Lotus Esprit joue les sous-marins et il reçoit des télex (spécial milleniums : ancêtre papier du WhatsApp) via sa Seiko LCD Quartz, référence 0674 5009.
En 79, la Seiko CLD Quartz M354 référence M354 5019 de Moonraker donne l’heure (ça peut servir), se pavane dans un grand hôtel pour séduire une James Bond Girl et enfin se transforme (volontairement) en explosif pour faire sauter une porte de réunion.
En 1981, dans Rien que pour vos yeux (et surtout pour ceux de Carole), Seiko règne sans partage. Q équipe la Seiko Duo-Display Quartz, référence H357 5040 pour que Bond puisse communiquer avec la Dame de Fer et, surtout, Roger Moore combat sous l’eau (enfin contre des ventilateurs car la scène est tournée en studios, afin de ne pas mouiller les cheveux de Carole : Bouquet : en réalité, elle avait un problème de sinus et d’oreille interne) avec sa Seiko Quartz Diver’s, référence 7549 7009 S60583, acier et or, bracelet caoutchouc, étanche à 600M. Pour ses autres films, le partenariat Moore/Seiko restera de mise, excepté un accro final avec la Datejust personnelle de l’acteur. On pouvait encore se permettre de telles libertés à l’époque.
Timothy Dalton inaugurera en portant… des Tag Heuer ! …Et se finira à la Submariner.
Depuis 1995, le placement de produits règne sur les studios et Bond est devenu inséparable de l’Omega Seamaster dans toutes les versions et séries limitées imaginables. Ce mouvement de fond (si j’ose écrire) fut lancé par Pierce Brosnan, et largement pérennisé avec la collaboration active de Daniel Craig.
Pour résumé, en fonction des générations de spectateurs, on sera plutôt porté à croire que Bond porte une Rolex ou une Omega. Mais il a passé une bonne partie de sa carrière avec des Seiko, avec de petites passades chez Gruen, Breitling, Pulsar et Tag. Le roi est mort, vive le roi ! Qui sera le prochain Bond? Portera t-il une Richard Mille? Une G-Shock? Une MoonSwatch? OK je sors.
My name is Clay
Alors j’en viens au fait : quelle montre dois-je porter si je veux me la péter comme James ? Je conçois et j’assemble des Seikomods. J’ai déjà fait des clins d’oeil appuyés à James. Mais là je voulais MA Bond watch by Clay.
Deux principes m’ont guidé.
Premier principe : on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Je me devais donc de concevoir et d’assembler cette « Tool Watch » moi-même.
Deuxième principe : écouter mon âme d’enfant. J’adore l’ère Craig. Je pense même que c’est la meilleure. L’avenir nous dira vite si c’est l’ultime. Mais je n’ai pas grandi avec ce Bond-là. Mon Bond peut être un tueur cynique à la masculinité toxique et porte une Sub. Et il combat sous l’eau des gars avec des tenues vintage dans Opération Tonnerre (Thunderball).
Mais il est aussi un dandy branleur et marrant navigant entre les filles et le gadgets. Lui aussi bataille sous l’eau dans un univers noir à bandes jaunes typique des années 70.
Et en même temps, je ne peux oublier ces heures passées fasciné par Craig incarnant un Bond brutal, noyant dans l’alcool une faille narcissique et un fond romantique perçus comme autant de faiblesses dans notre monde sans pitié.
Alors j’ai voulu réconcilier tout le monde. Je sais, c’est impossible, alors je ferai sûrement d’autres tentatives. En attendant, j’ai choisi un boitier de type Sub en acier inox en partie chromé et en partie brossé, doté d’une lunette tournante unidirectionnelle avec insert en céramique noire à l’index blanc incrusté. J’aurais pu choisir un SKX…007, c’était tentant pour le symbole. Mais non. Je voulais du Sub pour le look inaltérable.
Au niveau du marqueur principal, j’ai préféré la petite bille avec un lumen BGW9 bleu néon, pour tempérer l’aspect vintage avec une note contemporaine plus « gadget ». Etanchéité 20 ATM : c’est nécessaire pour combattre les requins dans l’Océan Indien et les ennemis au boulot. Bien entendu, le verre saphir est doté d’un cyclope presque aussi puissant que sur le modèle original. Pour le cadran, il me fallait du jaune, of course Sir. J’ai commandé un Seiko adapté au mouvement NH35 à date noire sur fond blanc, avec des index blancs tartinés au Lumibrite vert. Il est loin le temps où les ouvrières suisses manipulaient du radium à mains nues.
Pour les aiguilles, il me fallait du Seamaster. Et l’ère Craig nous aura offert des modèles d’aiguilles avec une boule des heures qui répond à merveille à mes index Seiko. Et surtout, avec une trotteuse pas très sérieuse, si ludique et presque un peu vulgaire. Mais c’est comme tous les plaisirs coupables, pouvais-je résister à la trotteuse affublée du logo Bereta 007 ? J’optais pour la version argent, avec juste une pointe de rouge après l’indicateur de marche pour le côté militaire. C’était plus facile à pardonner que la trotteuse 007 intégralement rouge vif. Par contre, sans mentir, je dois avouer que le plus difficile, dans ce projet, fut de mettre la main sur une version adaptée au NH35. Ces aiguilles sont en rupture de stock. Introuvables. J’aurais pu bidouiller une version ETA mais j’ai préféré la sécurité et j’ai commandé un set complet avec cadran au graphisme 007, aiguilles des heures et des minutes, juste pour avoir la trotteuse tant convoitée. On est donc sur le nouveau logo, inspiré du Walther P99. Ne restait plus qu’à sangler cette beauté dans un bracelet nato en totale harmonie avec le thème.
Les montres de James Bond donnent toujours le compte à rebours avant l’explosion finale, la destruction et la mort. Mais, quand il ne fixe pas leurs aiguilles ou leurs chiffres numériques s’égrainant de manière frénétique, il les garde au poignet. Elles deviennent alors compagnes de bringue, bijou de séduction et marqueur social ouvrant à un orphelin payé pour tuer les portes des cercles les plus prestigieux.
Les montres de Bond, tout comme lui, oscillent entre l’action immédiate de la trotteuse, le suspens des minutes, la fatalité des heures qui passent et la date indolente des jours où il est hors radars, injoignable car trop occupé à se faire oublier dans la souffrance ou à s’oublier dans le plaisir.
Je suis heureux d’avoir pu vous présenter cette petite capsule temporelle nostalgique et aquatique…en attendant la prochaine.
Et si vous pensez que Bond ne s’intéresse qu’aux montres et aux filles, vous serez ravis de lire ma thèse complète sur 007 et les motos !
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