Comment être vu en deux roues?
Pour être vu en deux roues, on peut faire le kéké, mais c’est mieux de s’équiper. Alors j’ai carrément testé un radar !
Un peu de théorie
Pourquoi essuyons-nous sans arrêt des refus de priorité, des dépassement tardifs et des frôlements dangereux ? Les études montrent que de nombreux automobilistes prêtent (encore) moins attention à tout ce qui n’a pas quatre roues. Au mieux, ils nous considèrent comme des gêneurs à dépasser à tout pris (ralentir n’est pas une option) et au pire leur champ de vision sélectif nous occulte littéralement de leur cerveau. C’est le fameux effet « petit = loin ». Comment cet effet fonctionne-t-il ? Sans se lancer dans la neuropsychologie ni dans la physique appliquée, il est important de le comprendre. Cela évite pas mal de salive gaspillée en insultes et incite à anticiper au maximum pour être vu en moto ou en vélo.
Les motos et, plus encore, les vélos de route, sont des objets fins. Le cerveau de l’automobiliste les perçoit plus éloignés qu’il ne le sont. Ce phénomène s’aggrave si nous sommes sur la ligne d’horizon. Nous paraissons alors encore plus petits et donc lointains. Et c’est encore pire si nous apparaissons dans un rétroviseur. Cela vous semble étrange car, quand vous conduisez votre automobile en tant que motard, vous êtes toujours à l’affût d’un camarade à laisser passer ; en tant que cycliste, vous dépassez les copains avec la délicatesse d’une dentellière.
Mais la majorité des automobilistes ne bougent les fesses de leur voiture que pour les poser sur un fauteuil de bureau ou se vautrer sur le canapé du salon. Je ne parle pas de ceux qui nous voient mais s’en foutent. Encore moins de ceux qui ne peuvent nous voir parce qu’ils regardent leur smartphone. Un cycliste ou un motard sont toujours à l’affût. Leur cerveau est boosté par le pilotage et plus en alerte qu’un sioux en pleine partie de chasse au grizzli. Cela nous maintient plus jeunes et plus intelligents plus longtemps. Si, si ! c’est scientifiquement prouvé. Sur moi ça marche en tout cas !
La pratique
A l’inverse, la petite mamie qui vous a défoncé alors qu’elle avait un stop croyait avoir le temps de passer car son cerveau a mal évalué la vitesse à laquelle vous alliez arriver. Le jeune cadre dynamique à fond la caisse dans sa jolie voiture allemande et qui vous a envoyé au tas en vous tapant par l’arrière na pas freiné car il imaginait sincèrement que vous étiez beaucoup plus loin que cela. J’ai un pote en Harley qui a fait un vol plané pour atterrir sur le capot de la voiture de devant. Et votre serviteur a été propulsé dans un rond point par la conductrice qui a tapé la roue arrière de sa Yam.
Hors agglomération, la situation est critique. Les accidents sont plus rares mais plus mortels. Plus de 60% des cyclistes morts au guidon ont été renversés hors agglomération. Sur les chemins et les départementales, les gros SUV prennent de plus en plus de place, et les gens font n’importe quoi. En janvier 2023, dans la campagne bretonne, un typé bourré a percuté de front un peloton de jeunes cyclistes avant de prendre la fuite. Les faits divers relatent les cas de motards laissés pour morts dans un fossé.
Que dit la loi? (Même si personne ne semble la respecter autour de vous)
Pour dépasser un vélo, il faut ménager 1m en ville et 1m50 à la campagne. On a le droit alors de déborder sur une ligne continue. On pourrait ajouter que l’automobiliste ne peut le faire que si personne n’arrive en face, mais ce serait de la science fiction. Au XXIème siècle, la règle qui prédomine est de ne jamais s’arrêter, quitte à doubler des bus dans les virages sans visibilité et à se rabattre sur tout ce qui bouge. Les cyclistes ont le droit, s’ils l’estiment nécessaire, de rouler à 1m50 des voitures garées à droite, pour se prémunir d’un danger bien connu aussi des motards : le bon vieux coup de la portière. Selon l’article R431-7 du code de la route, les cyclistes sont autorisés « s’ils sont en groupe, à rouler en file indienne ou à deux de front ». Si la voiture derrière veut doubler, nous devons passer en file indienne.
Les solutions classiques
Mais comment savoir qu’une voiture arrive ?
En vélo taf, on peut installer des rétros. Comme pour mes motos, j’ai équipé mon fat bike de super rétros bien pratiques en ville. Mais sur un vélo de route chaque gramme compte. Hors de question de fixer ces horreurs sur un cintre en carbone. Certains retraités installent un petit dispositif rétroviseur à la place du capuchon en bout de cintre. Je préfère un coup d’œil rapide, tel Wout Van Art quand il se retourne pour voir si son leader arrive enfin.
Mais les voitures arrivent de plus en plus vite. Et, devenues électriques, on ne les entend même pas. Parfois elles font du zèle et klaxonnent à nous percer les tympans. On ne sait pas trop si c’est pour nous avertir de leur arrivée ou pour nous dire de sortir de la route et de rouler dans les champs.
Pour toutes les raisons sus dites, il faut donc à tout prix se rendre visible. J’ai déjà écrit sur les tenues de moto et de vélo. Je préfère le noir et le kaki au fluo, mais il est vrai que ce n’est pas très sécurisant.
Mais même si vous êtes habillés de manière aussi voyante que Ken et Barbie un soir de Noël, cela ne suffira pas et la solution vient des lumens. Les leds c’est vraiment génial. Plus vous faites de lumière, plus vous paraissez large et plus le petit cerveau des caisseux vous calcule ! C’est magique !
Quant à moi, j’en était resté au classique Lezyne Zecto Drive. L’automobiliste vous voit flasher de très loin (je parle en kilomètres). Avec un système d’attache par élastique en caoutchouc robuste, on peut le retirer et l’installer en trente secondes sur n’importe quel bicloune. Mais depuis, j’ai trouvé encore mieux.
Le radar
Ma chérie, toujours soucieuse de me récupérer en un seul morceau, m’a offert une loupiote/radar. Très exactement, le Garmin Varia RTL515. C’est un radar avec feu arrière. Ou un feu arrière qui fait radar, si vous préférez.
Comme toujours avec les équipements Garmin, l’installation prend 50 secondes chrono. Attention toutefois à ne pas occulter le champ de détection du radar avec la sacoche de selle.
Le système détecte les voitures de loin, alors que vous ne les avez pas encore entendues arriver de derrière. Il peut même en distinguer plusieurs à la file. Quand elles approchent trop vite il passe du rouge clignotant au gros flash bien pétard. Vous devenez plus large, plus visible, et le cerveau de Judikaël dans sa Seat à jantes alu commence à percuter.
La détection est immédiatement transférée sous vos yeux vers l’ordinateur Garmin fixé au cintre, ou sur votre smartphone. Le radar détecte aussi les autres vélos. Le petit point de derrière symbolisant l’arrivant sur votre écran grimpe en rouge et clignote fort au moment du dépassement. Tout repasse au vert quand vous êtes safe. Le tout s’accompagne de signaux sonores. En ville, il ne détecte que les véhicules qui roulent trop vite et veulent vous tuer. Attention : ce système est inefficace si vous êtes poursuivi par votre ex en hélicoptère.
Au début, mon côté vintage était sceptique. Adepte du deux roues à la dure, je n’aime pas encombrer mes machines, motos ou vélos, de gadgets électroniques. Mais à l’usage, je dois avouer que je fus vite conquis. Je ne peux plus m’en passer, à vrai dire.
Quand je suis en montée dans les lacets, je suis prévenu à l’avance que je dois me rendre visible. J’ai une théorie et une technique pour cela. Je vous raconterai. Mais en gros je me prépare à occuper la route en danseuse. En descente, quand la voie et libre devant, je sais si je peux couper le virage ou si au contraire je dois me préparer à serrer un peu (pas trop sinon je finirai au tas) pour laisser passer un type pressé. Je dois avouer aussi que, comme tout pilote de n’importe quelle machine, il m’arrive de penser à autre chose. Ou, parfois, sous le coup de la fatigue, mon esprit est moins vigilant et je peux faire un écart. Je suis immédiatement rappelé à l’ordre par mon radar. Et sur la piste, je sais bien à l’avance si un peloton en furie s’annonce derrière mes fesses. Tout ceci fonctionne très bien de jour : inutile d’insister sur l’efficacité décuplée la nuit.
Il existe une version plus onéreuse avec une caméra embarquée, mais je ne sais pas du tout si cela en vaut la chandelle. C’est le RCT 715. Ce n’est pas une caméra de recul, hein. C’est juste que la cam filme en continue le trajet vu de derrière, au cas où vous voudriez mettre la misère à Pogi. « I’m gone! I’m dead! ».
Pour l’avenir, est prévue en 2024 la sortie d’un boitier C-V2X de chez Spoke Savety. Monté en série chez BMC et Trek, ou à monter soi-même sur sa machine, il communiquera directement aux Audi qui ne vous auraient pas vu via la 5G. Bon, Judikaël ne roule pas en Audi et, en attendant la généralisation de ces systèmes onéreux, je vous recommande chaudement ce radar. Cette vieille technologie a sauvé les fesses des jeunes pilotes de la RAF, de la Grande Bretagne et du monde libre. J’y pense parfois quand j’en bénéficie sur ma machine de 7,5 kg toute mouillée pour avaler du dénivelé et cela me rassure et me réconforte un peu dans ce monde de brutes.
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