Sous le casque

Et ta grand mère, elle fait du vélo?

Pour sa huitième année de bons et plus ou moins loyaux services, Claymotorcycles s’offre un lifting. Nouveau look, plus aéré et dépouillé, à l’image de votre humble serviteur et de ce qui défile sous son casque. De surcroît, vous bénéficiez d’un blog sécurisé et plus ergonomique sur tablette et smartphone, avec menu portable simplifié à l’extrême. Voilà pour la forme.

Pour le fond, les plus avisés auront remarqué le nouveau sous-titre : « Motors & Cycles ». Astuce. La bécane vintage à fort caractère demeure le cœur du sujet. Mais regardons de plus près la définition que nous donne le Robert de ce mot familier :

  1. Machine, spécialement ordinateur. « Il travaille sur sa bécane. » (Comme Clay en ce moment).
  2. Bicyclette, cyclomoteur ou moto. « Il va au lycée en bécane. » (Comme Clay autrefois et de nos jours).

Du coup, je vais aussi évoquer dans ces colonnes la Petite Reine, le biclou, le biclard, la bicyclette, en plus des motocyclettes, motos, meules et autres brêles.

AVANT…
APRES ???

Mais comment est-ce possible ? Vous avez pu constater que mes posts étaient de plus en plus espacés dans le temps. Pas que je me désintéresse, non. Mais je réfléchissais. Le confinement a aidé aussi. J’ai eu le temps de cogiter. Que cela à foutre. En faisant du vélo d’appart devant des documentaires historiques avec mon chien qui pionçait dans le canapé. Pédaler sur place, à l’abri des crétins et des vilains, me faisait grand bien. Et puis j’ai repris la route. Je me suis demandé comment j’avais pu rester si longtemps sans piloter des motos.

Tout fout le camp ma bonne dame
Tout fout le camp ma bonne dame

Mais j’ai constaté aussi que les usagers se comportaient encore plus mal qu’avant. Personne ne semblait avoir tiré la moindre leçon de sagesse pour le fameux monde d’après. Nous vivons vraiment sur la route l’ère totale du chacun-pour-sa-gueule. Les piétons se jettent sous mes roues à tout moment, oreilles et vue bouchées par leur smartphone. Quand je suis à pied les caisses me foncent dessus quand je traverse avec mon bonhomme allumé au vert et j’évite comme je peux les trottinettes électriques, les voitures garées sur le trottoir et plein d’engins étranges à une ou plusieurs roues. S’arrêter au feu rouge est devenu un luxe que peu d’usagers semblent disposer à s’offrir. Les motards du dimanche, déguisés en Moto GP Wish me frôlent en meute quand je gravis une montée à la sueur de mes mollets. Ils m’éclatent les tympans et se la pètent à vouloir à tout prix mettre un genou au sol. La dernière fois, j’en ai retrouvé un au tas à cause des graviers. Karma ? Les scooters et les caisses squattent la piste cyclable et je me fais klaxonner par les autres caisses quand je tente de les éviter. Mais que fait la police ? Partout se développent de nouvelles technologies de répression étatique pour des véhicules toujours puissants. Les gendarmes et leurs jumelles se cachent derrière les arbres et les pneus crament les radars. Avec mon VFR je peux perdre mon permis en deux coups de poignée sans m’en rendre compte, ou la vie parce qu’une gamine texte en SUV. C’est stressant putain. Les individus ne semblent plus supporter la moindre contrainte dans leurs déplacements. Pire que des atomes dans un accélérateur de particules. Tout obstacle sera contourné, voire écrasé. Quitte à tuer. Quitte à en mourir. Avec ou sans visibilité, avec ou sans permis, à pied, à roulettes, à moteur électrique ou thermique, tout ce qui ralentit sera supprimé. Et ce ne sont pas mes récentes excursions à Paris qui vont me rassurer. La seule solution pour en finir avec cette guerre de chacun contre tous, ce sera d’en finir avec l’illusion de la liberté de conduire à sa guise. Les automobiles répondront aux injonctions dictées à notre smartphone. Ils vont nous priver de volant. Reste à savoir si, dans cette opération de pacification (au sens militaire du terme) de la route, les motards seront les premiers bouc-émissaires, ou si les automobilistes les précèderont. Les politiciens, les technocrates et les constructeurs pourraient nous expliquer les choses. « Voilà les amis. On s’est plantés. Dans la foulée de Mussolini, de Hitler et de Ford, on a sanctifié l’asphalte, encouragé la vitesse et déifié la voiture. Et ça vous a même donné des jobs. Il y a eu le choc pétrolier, et ça nous a vraiment mis la misère, mais on a continué de faire semblant d’y croire pendant presque 50 ans, parce que, finalement, on s’en mettait toujours plein les fouilles. Et puis on pensait pouvoir refiler le bébé aux générations à venir. Mais voilà c’est fini. La planète crève à cause de ce genre de conneries. Faut penser à des soluces. » Mais personne ne l’a, cette soluce. Et les Chinois ? Et les Indiens ? Ils vont tous rouler en vélo solaire ? Alors en attendant de voir, on nous vend des trucs hybrides, on nous culpabilise comme des mômes, voire des assassins. La route n’est plus très rock and roll. C’est plutôt une sorte de rave cyber-punk gavée d’égocentriques défoncés au stress qui regardent plus Waze que la route et cernés par un cordon de CRS, le tout étant survolé par des drones d’Instagrameurs et des hélicos de la Gendarmerie. Je ne cherche même plus à être un rebelle. Tout juste à sauver ma peau. Voici pour le contexte général.

J’pète les plombs ! Moi j’voulais juste un Mac Morning !

Pour la moto de caractère en particulier…, comment dire ? Les gens achètent de belles motos anciennes et les démolissent pour engendrer des soi-disant « café racers », en réalité des pièges hideux. L’Ace Café est devenu un lieu de pèlerinage touristique. Le rétro, ou plutôt le néo-rétro est devenu la norme des marques mainstream. On se croirait chez Mini (une marque allemande) et Jaguar (une marque indienne) ou encore chez Fiat 500 (une marque euh…italienne !). Tout le monde s’y est mis : BM, Ducate, Triumph et même Guzzi ! Choisir ses accessoires hors de prix pour faire « customiser » sa bécane chère. Ouais. Les café racers de série me donnent la nausée. En plus ils sont beaux. Les gravures de mode en ligne posent sur de magnifiques machines, lesquelles se ressemblent toutes, pour vendre des sapes ou du whisky. Même Beckham s’y est mis. En plus il est cool. Et je ne parle pas des starlettes à moto. En plus elles sont canons. Quant aux retraités, ils croient réinventer la poudre en snobant la concess HD au profit du catalogue Indian. Chacun fait ce qu’il veut. Je comprends bien. Aucun problème. L’avenir est tout tracé. Les gens sont trop pressés pour faire de la mécanique et les constructeurs ne veulent pas que nous bichonnions des années durant des destriers increvables. Nous louerons à l’année un ou plusieurs véhicules, peut-être électriques mais sûrement bien chiants. Leur entretien fera sûrement l’objet d’un énième abonnement auprès d’un centre où les clés USB auront remplacé la clé de 10.

Dans une optique aussi bouchée, je me demande ce que je peux encore apporter avec mes petits articles et mes vieilles bécanes. J’ai cru trouver l’échappatoire en rejoignant les « youngtimers » en retapant et en assurant « collection » un VFR de 86, mais les projets de lois fleurissent pour en finir avec les autos et les motos de collection. Et je ne vous parle pas des normes qui aseptisent toujours un peu plus les motos neuves. Je ne cherche même plus à être un rebelle. Tout juste à rester moi-même. Voici pour le contexte particulier.

C’est l’Apocalypse !

Alors « que faire ? » comme disait Lénine, un « mass murderer » autrefois à la mode. Je pilote mes deux « brat style » (oui, je n’ai pas de « café racer ») et ma vieille Honda. Plus trop vite. Et tout seul surtout. Absolument. Impérativement. Tout juste une passagère pour lester. Et encore. J’ai viré la selle passagère sur le Bulldog. Le jour où on me dira que je n’ai plus le droit de les utiliser, ce sera comme pour mes vieilles surf-boards. Je les laisserai en déco, où je les vendrai, où j’y mettrai le feu avec un jerrican d’essence. Ça ou un accident…Rien n’est impérissable. Rien n’est immortel. On a aboli la vapeur. On passera peut-être au tout électrique qui polluera peut-être lui aussi. Je n’ai aucune prise là-dessus (si j’ose dire). Je ne vais pas m’accrocher à des positions de grincheux en mode « c’était mieux de mon temps ». Après tout, ce sera peut-être bientôt l’Apocalypse. Alors il sera bon de s’y connaître en mécanique pour retaper de vieux brélons en mode Mad Max ou pour réparer le dérailleur d’un vieux vélo Gitane. Conséquence inévitable pour tout amoureux des belles machines vaguement épris de sagesse : vivons le moment !

Le moment que je vis, c’est que j’éprouve un infini plaisir à pédaler des heures sur un beau vélo de 1995 en tubes Reynolds 531 dans des paysages somptueux, loin du bruit des moteurs. L’esthétique et la motricité fusionnent à l’extrémité de mes chaussures Shimano. La seule vraie révolution est celle que l’on fait sur soi-même. Le pédalier tourne et tourne encore entre mes pieds. Et je regarde les motos qui tournent en rond sur mon île et cela me donne à penser. Génial ! Rouler autrement pour mieux comprendre la moto. Comment avais-je pu passer à côté toutes ces années ?

Claymotorcycles, c’est quoi au fond ? C’est du plaisir partagé. Des nouvelles littéraires, un roman feuilleton en gestation, de la philosophie, de belles images, et des humains qui font du mieux qu’ils peuvent pour se respecter, soi-même et entre eux, à distance ou sur la route. Un art de vivre ? Et pourquoi pas ? Quelle est donc cette nouvelle vision ? Un blog life style avec de belles machines sur deux roues, avec une ou plusieurs chaînes, des courroies parfois, des moteurs à explosion ou une force motrice humaine. Ce n’est pas de la dispersion. C’est même tout le contraire. Il est ici question de recentrage, à une époque où tout tangue partout. Bien sûr, cela ne peut pas plaire à tout le monde. Et c’est tant mieux. On n’est pas sur Tic Toc. Alors oui, comme je fais aussi du vélo, je vais en parler également. Et pour l’instant c’est du vélo vintage. Mais le vintage est devenu lui-même un marché. Alors peut-être que je passerai à une machine où l’on passe les vitesses directement au niveau des cocottes. Peut-être que je me paierai un gravel. Bof. J’en sais trop rien, et on s’en tape !

Old school. T’es un ancien si tu sais t’en servir !

Depuis longtemps, J’ai pu constater que les cyclistes étaient souvent motards, ou inversement. En tout cas, ces gens sont obsédés par la mécanique, les belles machines, contemporaines ou anciennes, les casques, les gants, les tenues stylées, les éclairages pour être vus des caisseux, la griserie des courbes et la vitesse des descentes. Ils discutent pression des pneus, jantes, cadre…vous me suivez ? Ils sentent la route. Il y a de plus en plus de femmes cyclistes (si je puis encore m’exprimer en termes de genre), comme dans le monde de la moto. Ces types et ces filles se saluent, ou pas. Ils sont respectueux du code de la route, ou pas. Ils sont polis avec ceux qu’ils dépassent, ou pas. Etc…Tiens, encore une idée de post…

Au vélo, tu peux pédaler avec des filles canons en tenue moulante !
Et tu peux aussi leur chiper leurs chaussettes !
Et tu peux faire de la
pub pour des industries polluantes. Rentre le ventre !

 J’ai toujours fait du vélo. Mais je n’étais pas un cycliste. Je considérais ces types agglutinés sur le bord de la route comme des ploucs archaïques qui se croyaient au Tour et m’empêchaient d’accélérer. Pourtant, quand j’en voyais un tout seul, je ne pouvais m’empêcher de respecter son courage et sa détermination. Depuis que je pédale en cycliste et non en touriste (cette distinction fera l’objet d’un autre post), je ne vois plus la route sous le même angle. Quand je fais un trajet en moto, je le savoure d’autant plus que je me le suis déjà farci à la force des cuisses. Quand je pédale, j’apprécie les motards souriants, ceux qui font un écart plein d’attention avec un petit signe et leur clignotant (Parfois ce sont des bikers que je connais mais qui ne me reconnaissent pas !) Quand je dois quitter momentanément la piste cyclable parce qu’elle est défoncée, ou truffée de graviers, j’apprécie les gens qui sur la route font attention à moi sans me juger, tout comme je me dis que les gens que je laisse traverser en souriant doivent apprécier ma patience bienveillante. C’est le moment où un rageux amateur de clichés me sortirait que tous les cyclistes du Tour sont dopés.

Tous dopés à la Dodo !

Ça tombe bien : je ne fait pas le Tour. Certains motards se prennent pour des pilotes de moto GP. Ils ne sont pas majoritaires. J’imagine que c’est un peu pareil en vélo. Cela ne m’empêche pas de me rappeler avec affection Sheene ( lequel picolait et fumait) et Roberts (qui était plus spartiate) , ni de revivre les moments passés à regarder Thévenet, Hinault ou Fignon (dont j’ai aussi apprécié les commentaires sportifs, jusqu’à sa disparition en 2010).

Vas-y Lolo ! Tu vas plus vite que la moto !
Je le veux !!!

On a tous commencé avec un vélo. Pour mon anniversaire, on m’avait offert un Eddy Merckx mauve alors que je rêvais d’avoir une copie du Raleigh Chopper. Comme une répétition de ma routière rouge quelques années plus tard, quand mes potes auraient de petits trails. On faisait les cons sur des chemins déserts. Quand on prenait la « grande route », une départementale, les parents des copains appelaient les miens avec un téléphone filaire à cadran pour dire que j’étais chez eux. On s’en foutait. C’est cette liberté que je retrouve enfin. Aussi, l’été, à la plage, on traçait dans le sable un Tour de France imaginaire, nos gapettes Paul Ricard vissées sur le crâne, et on poussait nos petits cyclistes en plomb à l’allure de nos billes de verre. On avait même la voiture-balais et un ou deux motards, bien entendu. Cette esthétique, je renoue avec elle également.

« -Le premier arrivé gagne une glace choco-banane ! -Tais-toi, on peut pas pédaler, on est moulés : c’est la bille qui décide. »

De quoi demain sera-t-il fait ? Quel avenir pour la moto ? Quelles orientations pour les politiques de circulation des véhicules à 2, 3 ou 4 roues ? Je n’en sais rien.

Ado attardé?
Ou vieux sage?

Suis-je donc un motard fatigué ? Un surfer réformé qui a tourné le dos à la mer ? Un boomer qui a de l’arthrose aux genoux ? Un bobo en cycliste moule-bite qui gêne les bofs pressés ? Un poseur hédoniste dénué de réelle conscience écologique ? Peut-être un peu de tout cela à la fois. Je me garderai bien de répondre, ou de pondre des théories sur des trucs qui me dépassent. Et les gens qui me jugent ne sont jamais parvenus jusqu’à ces lignes. Trop de mots et pas assez d’images pour eux. Nous vivons une époque livrée au spectacle permanent de rageux qui jugent tout et ont toujours raison. C’est soit le clash, soit la communion des bisounours. Ça, au moins, je sais que ce n’est pas du tout ce que je suis, ni ce que je veux être. Franchement, quand je viens à bout d’une côte à 8% qui n’en finissait plus, et que ni mon cœur ni mes jambes, ni mon mental ne m’ont lâché, je m’en tape pas mal. Quand j’évite un danger public à moto, je ne regarde même plus dans mon rétro. Quand je traverse la rue et qu’un chauffard me gratifie d’un doigt d’honneur, je travaille mon karma. Je regarde moins le compteur de vitesse et plus celui de mon rythme cardiaque. Faut rester zen, sinon on va virer barje dans ce monde pas très rassurant. Et je vois bien en ligne, sur la route et dans le monde entier, que je suis loin d’être le seul.

Le monde tel qu’il va, la route, ce Blog…Ce n’était pas mieux avant. C’est maintenant. Et ce n’est qu’un début.

 

 

 

 

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