L’avenir de la moto : la sécurité
Et si l’avenir de la moto, c’était la sécurité? Ou, plus exactement, le sécuritaire. Que faut-il donc penser des lois qui pleuvent sur les motards français depuis ces derniers mois ? Gilet jaune, plaque d’immatriculation, pots d’échappement, gants homologués, points impossibles à rattraper, interdiction de circuler de jours à Paris avec une vraie motocyclette…Au moment où j’écris ces lignes, la communauté des motards français découvre qu’à la différence des automobilistes, perdre ses points et repasser son permis (ou tous ses permis) nous obligera à rouler avec un véhicule à la puissance bridée.
On pourrait entrer dans le détail. Dans cette pluie de réglementations qui nous tombe dessus à l’approche des élections nationales, on pourra toujours s’engueuler en vain sur les avantages et les injustices de ces décrets souvent pris de manière arbitraire sans aucune réelle concertation avec le terrain.
Pousser ma lourde 1100 dans la nuit avec mon gilet jaune réfléchissant sur la route parce que le trottoir était plein de voitures en stationnement illégal, j’ai apprécié.
Commander des gants stock parce que mes nombreuses paires indestructibles n’ont pas la fameuse étiquette CE EPI, j’ai moyennement aimé.
Changer de plaque tous les mois en fonction des caprices du législateur, là ça me gave carrément. On pourrait empiler les témoignages pour ou contre. C’est ce que veulent les technocrates. Diviser les motards pour mieux régner. Je ne dis pas que je ne vais pas me lancer dans une vaste enquête sur ces détails irritants. Mais pour l’heure, j’ai trouvé plus intéressant de vous proposer une interprétation globale.
En gros, il faut dépassionner le débat pour comprendre. Les associations et les fédérations de motards limitent un peu la casse, ou jouent parfois un jeu étrange. Mais peu importe. En gros, face aux multinationales, aux groupes d’assurances et aux politiques, nous ne pouvons pas grand-chose. Ils ont le temps, l’argent, les forces de répression, et en plus ils s’en foutent car ils se déplacent en voiture avec chauffeur grâce à notre argent. Plus drôle encore : ils ont recours à l’expertise de techniciens dont nous ne connaissons même pas l’identité. Des p’tits gars qui ont fait les Graaandes Zécoles, et qui, une fois qu’ils auront bien fossoyé la bécane, auront une promotion pour s’occuper du camembert AOC ou de la graisse à frites.
Mais alors que faire ? Spinoza disait que la connaissance des causes libère. Nous allons donc essayer d’y voir plus clair.
En gros, deux tendances s’opposent au niveau mondial quant à la notion de responsabilité. Certains états sont centralisés, directifs et interventionnistes. Ils gèrent le quotidien de citoyens plutôt habitués à ce que toutes les décisions viennent d’en haut. D’autres sont distants, fonctionnent à l’économie, et laissent une certaine marge d’autonomie à la population.
Dans le premier groupe, tout se règle à coups de pots de vins si c’est une dictature et à coups d’impôts si c’est une république. Dans le second, on va faire un minimum de lois si c’est un état fédéral et voter des décisions en commun si c’est une démocratie à peu près autogérée.
Au final, pour simplifier à mort, et pour ce qui nous intéresse ici, à savoir la sécurité du motard, on se retrouve avec le modèle français d’une part et le modèle US de l’autre. En France, si tu roules sans casque, tu ne seras pas couvert par ton assurance. La Sécurité Sociale va dépenser pas mal d’argent pour te réparer. Aux States, dans certains états, rouler cheveux aux vents, avec un casque Nazi ou un truc aux normes ODT est laissé à ta libre responsabilité. Si tu veux réparer ta tronche en cas de pépin, personne ne déboursera un centime. Si tu es dans un MC, tes frèrots se sont cotisés pour toi. Si tu es seul, et pas millionnaire en dollars, tu n’as plus qu’à vendre ta maison.
Maintenant, concentrons-nous sur la France. Bien sûr, les tendances étatiques et les tendances individualistes s’opposent. Mais le motard libertaire n’est pas du bon côté du manche. Les Normes Européennes, pour le meilleur comme pour le pire, s’imposent à lui à coups de retraits de points et d’argent.
Mais quelle est la logique ? Celle de la ceinture de sécurité.
Sans ceinture, on rigolait bien dans les années 70 quand Papa freinait et qu’on giclait de la plage arrière où on jouait allongé. Maman fumait comme un sapeur et se tartinait pas mal du tabagisme passif. Après, vu que les vegan n’existaient pas, on allait tous se taper un bon gros steak aux hormones et alors arrivait Tonton Gégé avec son fute en cuir et sa Norton qui pissait l’huile. Tout le monde avait du boulot. Juste on s’en foutait. La crise et le choc pétrolier, c’était bon pour l’Arabie Saoudite et les clodos.
De nos jours, ce n’est plus pareil. On te culpabilise. Si tu roules en cuir, tu es un bourreau d’animal. On va donc s’orienter vers d’autres matériaux, aux Normes, et…obligatoires. La faute des groupes de pression ? Des Illuminatis ? Des aliens ? On s’en fout : dis-toi bien que tu n’as pas les épaules, ok ?
Bref. Quand ils ont imposé la ceinture, ils savaient qu’il y aurait des contrevenants. Il faut payer les agents qui rançonnent ces derniers. Le ratio est positif : ça rapporte ! Ils savaient que cela allait tuer une infime minorité d’exceptions. Mais cela allait sauver la vie de plein de gens qui ne coûteraient pas cher à réparer. Ratio positif donc !
A ce stade de mon exposé, si tu n’as pas décroché pour aller te servir une bière (attention, don’t drink and drive, un verre ça va, sinon rien, et c’est celui qui le dit qui y est), alors tu te demandes légitimement ce que cela peut bien leur faire que tu ne meures pas. Je te rassure. Ce ne sont pas des humanistes ! Un motard qui meurt, c’est un travailleur à remplacer, un père qui fout des mômes dans la merde, une femme qui va toucher une assurance vie. Un motard qui marche sur le trottoir, son casque CE à la main, c’est un gars qui consomme ( et qui paye donc des impôts dits « indirects » sous forme de taxes) et paye des impôts (encore !) et des amendes (un impôt déguisé)! Ça va là ? T’es au clair ?
Cela te dégoûte ? Et alors ? Juste toi et moi n’y pouvons rien.
Je reprends. Imposer (à tous les sens du terme) les gants, donc. Un beau modèle pour comprendre. Si tu tombes sans gants tu ne vas pas forcément mourir. Mais ce sera cher à réparer pour la communauté. Tu es minoritaire ? Les autres ont déjà des gants ? Pas grave. Tout le monde va devoir acheter de nouveaux gants. C’est bon pour le business. Les anciens gants CE ne sont pas bon ? On ne sait pas. C’est la marge d’interprétation liée à tout décret un peu flou. Pas grave : ça sème la peur de l’arbitraire policier et ça culpabilise tout le monde. Les infos relaient en boucle auprès du public non motard pour nous désigner à la vindicte. Ces motards, des irresponsables qui vont te coûter cher car ils roulent sans gants. T’inquiète, tu auras ta revanche. La prochaine fois, ce seront les agriculteurs qui utilisent les engrais comme leur a pourtant enseigné l’ancienne PAC, ou ces feignasses d’intermittents du spectacle qui s’obstinent à créer de l’art dans un pays vendu aux hypermarchés.
Tu crois que cela va s’arrêter là ? Mais le rapport du préfet est clair : le gant n’est pas un camouflet pour un duel, c’est juste un cheval de Troie, ou…un pied dans la porte. L’Europe met le paquet. Enfin, les Grecs s’en balancent et les Anglais, si tant est qu’ils aient jamais été concernés, se sont fait la malle. La faute à l’Allemagne ? C’est tentant. Nos amis teutons roulent en full cuir de rigueur depuis des décennies. Mais ils se calment car ils ont BMW. C’est donc bien la France qui se réfugie derrière des Normes Européennes qu’elle produit afin de faire passer ses décrets sans concertation avec les acteurs de terrain. Oui, mais on a tout de même Peugeot et Motobécane ! Ah ! Ah ! Ah ! Et pourquoi pas Solex et De Dion & Bouton tant que tu y es !
Quand je dis ça, mes potes prennent un petit air entendu et esquissent un sourire : « Attends de voir ce que va faire la FFMC… ». Mais les pauvres font des trucs, justement ! Simplement, les technocrates s’en tartinent pas mal le rond de cuir.
Voici les étapes suivantes : tenue EPI complète pour toute la famille. Ahhhh ! Acheter des boots en plastoc à 200 euros pour tes 2 mômes qui ne cessent de grandir. C’est connu : seuls les riches font deux allers et retour à moto sous la pluie pour déposer leurs enfants le matin à l’école !
Bref, ce sera la confirmation : seuls les riches rouleront encore à moto. L’interdiction de rouler à Paris ? Je connais des gens qui adorent !!! Ils sortent leur Vincent de collection hors de prix pour un bon vieux « Paris by night » ou un « Paris s’éveille ». Plus de prolos pour leur voler la vedette ! Ensuite, s’ils ont besoin de bosser, ils s’en foutent : cette saloperie de T-Max les attend bien au chaud dans le parking souterrain gardé qu’ils louent à prix d’or. Les autres ? Les pauvres bougres qui se tapaient le périph été comme hiver au guidon d’un vieux Bandit bien entretenu et qui pollue moins que les Humer avec un seul conducteur et qui prennent deux places de parking ? Bof, z’ont qu’à prendre le RER en grève et se faire agresser au retour, comme tous les sales pauvres édentés.
Nous sommes donc en 2022. Tout le monde est sapé en Bioman sur une moto neuve. L’air bag est obligatoire et on discute de la nécessité d’une nouvelle réforme : imposer des arceaux autoporteurs avec double ceinture de sécurité intégrée. Les plus friqués ont du néo vintage et ont débusqué des jeans au kevlar aux Normes qui ont succédé à EPI (bin oui, faut bien que les fabricants industriels fourguent leur stock, d’autant plus que les artisans créateurs ont tous mis la clé sous la porte. (Si tu ne me crois pas, demande au boss de Motostuka. C’est un pote. Il bosse à la main aux States et sa clientèle est essentiellement française. Il n’a pas les moyens de se payer les tests EPI…). Tous en plastoc donc. Mais le moteur ! Hein ? Le moteur ? En 2022, on sera à 2 ans des JO de Paris. La saleté doit disparaître. Le Groupe Bollomachin, qui a créé, de longue date, et à perte, la demande en véhicules électriques, exige un retour sur investissement. De la même manière que les constructeurs automobiles français ont poussé Pompidou à saigner Paris à coups de Périph pour organiser le tout-auto, il va bien falloir passer à la fée électricité. Les batteries polluent à la construction et au recyclage ? Bof, on trouvera bien un business à créer avec ça. Ou, au pire, on balancera tout ça en Afrique. Les primes à la casse feront le reste, et détruiront le patrimoine motocycliste historique, comme l’a fait Balladur pour toutes ces belles petites voitures des années 70 et 80 qui se réparaient aisément sans saloperies de composantes électroniques et sans obsolescence programmée.
Maintenant, il est possible que rouler en électrique soit marrant. Aucune modification possible. Adios la custom culture ! Plus d’entretien. Ahhhhh ! L’entretien ! Mais c’est aussi pour ça qu’on les aime nos vieilles brelles ! Ils n’ont qu’à lire le mythique Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes :
Adios les bouclars et les mécanos ! Juste des techniciens avec un ordi et un port USB. Plus de hurlement moteur, mais le sifflement du vent dans les voiles. De toute façon, avec des routes limitées à 90 km/h et des voitures qui roulent toutes seules, même cette liberté-là risque de paraître incongrue. Au fait, désolé si ce post est sorti très tard, mais j’avais les mains dans la graisse à tenter de résoudre un sale problème sur ma bécane. L’enquête continue, car je n’ai pas trouvé la soluce : et c’est ça qui est bon !
Voilà ! Et, comme dit mon pote Olivier avec le sourire quand on en parle en démarrant nos meules du siècle dernier, « On a intérêt à bien profiter!»
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9 commentaires
Koichi
Oh, OK. See you. But drive carefully.
Please enjoy! Let’s enjoy!
Clay
Thank you so meuch, as usual my dear friend Koichi ! Take care on the road too my friend !
Max
Excellente réflexion – une fois encore !!! -, sur ce monde qui devient fou.
Voilà pourquoi il faut se souvenir plus que jamais de cette époque que nous avons tant aimée, et dont il ne reste que quelques bribes …. dont on se délecte alors, dès qu’ elles se présentent à nous.
Merci, Clay !!!
ça fait vraiment du bien de te lire, parce que ça nous conforte à chaque fois dans l’ idée qu’ il reste encore quelque espoir de faire perdurer un peu cet état d’ esprit qui nous anime.
Amitiés !
Max.
Clay
Merci de ta confiance un e fois de plus Max ! Il y a tant de gens autour de nous qui croient tout savoir sur tout. Nous, on connait les vibrations des nobles machines. C’es un privilège à préserver jalousement et à faire partager généreusement. Pour le reste, on verra bien !
à bientôt
amicalement
MATAUT Michel
Chouette article dans la morosité ambiante, certes pas très »politiquement correct, mais oh combien très juste.
Dire que dans ma jeunesse, la bécane était « réservée » aux fauchés , aux excentriques, et aux marginaux…..
A cette époque bénie, il existait une sorte de sélection « naturelle » !
Déjà le frimeur de base, devant un kick pour démarrer jetait l’éponge….
Le même ne pouvait imaginer s’éloigner de son quartier car incapable de réparer une crevaison ou le caprice de sa brêle rétive. C’est balot, pas de GSM, tout juste un téléphone chez les ROUTIERS en passant par un standart…..
De nos jours, pour faire chic, fun, tout le monde se décrète motard, merci les Japonaises, les démarreurs électriques, le GSM pour appeler à l’aide au moindre problème….
Beaucoup de « motards » qui pour faire « vrai » motard, se doivent de rouler sur une super bécane avec la parfaite panoplie du parfait « motard » estampillé, agréé, normalisé etc etc….
Bien sûr pour ces « motards », il est inconcevable de rouler sans gants agréés, comme ils roulent ainsi équipés, tout le monde se doit de suivre leur exemple….
Perso, le kéké qui n’est pas capable de rester sur ses deux roues sans se vautrer, rapidement s’équipera, plus doucement roulera ou la moto abandonnera…..
Tous les équipements du monde n’éviteront JAMAIS un seul accident, une bonne formation et de bon réflexes, oui . Mais bon, pas très vendeur et faire remarquer au gars pété de tunes avec sa grosse Béhême qu’il est une quiche au guidon et qu’Il devrait continuer de rouler en caisse, pas Top….
Avec cette « sécurité » du MOTARD, encore un moyen de remplir les caisses et de donner l’impression de faire avancer le « scmilblik » de la sécurité…..
Pourtant il y a tant de choses plus importante et urgente que de se préoccupper de la peau de quelques motards….
gilles
Suite à cet article de fond j’vais de ce pas m’acheter des gants griffés C(onnass)E …
j’ai bon m’sieur l’agent ?
oh, putain !!! j’ai encore oublié de mettre le gilet jaune au fond de mes sacoches…je vais encore me faire ENGUEULER par mes Frangins :-):-):-)
zut, je retrouve pas les stickers réfléchissants pour mon heaume…ça va chier dans les chaumières…
purée, mon frein avant a disparu sur mon chop…diantre, je vais me faire esscagasser par la maréchaussée !
bon sang ! on m’a piqué les clignos, et encore sur mon chop…font chier ces raclures de bidet à voler les motards respectueux de la loi !
et je ne parle pas du jean-foutre qui m’enlève mon silencieux à chaque fois que je prends ma bécane…
si je le chope celui-là gare à son c…
si ça continue, j’vais être obligé de rouler en BAR…
nan, j’déconne !!! pourquoi pas en scooter non plus ???
Clay
Enfin du grand Gilles ! ça faisait longtemps ! Mince, les stickers réfléchissants !!! je les avais oubliés ceux-là ! De toute façon ils trouveront toujours un truc. Bientôt les gens ne flipperont pas parce qu’ils ont des gants de merde, mais parce que le logo CE EPI de mes 2 s’est effacé sur l’étiquette 🙁
fred
Bonne analyse de cette époque misérable, tu as raison, il faut en profiter maintenant, mais que faire pour éviter toutes les abominations que tu prédit ?
Bonne route a toi.
Clay
Merci Fred. Que faire? Je ne suis pas un prophète, et encore moins un politicard ou un révolutionnaire du dimanche. Je reste fidèle au message des stoïciens. Je m’occupe de ce qui dépend de moi, et c’est déjà pas mal. Tout le reste, ce pour quoi les gens s’enflamme alors que cela ne dépend même pas d’eux, bah, on verra bien. Et là c’est Épicure qui prend le relais : savourons l’instant présent 😉