En gapette, je me la pète.
En gapette, je me la pète. La gapette est de retour ! Longtemps boudée pour son côté franchouillard au profit d’ersatz de coursiers américains, puis carrément menacée de disparition avec le port obligatoire du casque en forme de suppositoire alien, la gapette, ou gâpette, effectue son grand come back. En réalité, elle n’avait jamais quitté nos cœurs.
Rappelez-vous enfants, les heures passées à faire des pâtés de sable, sans crème solaire, une gapette Ricard jaune à visière transparente bleue vissée sur le crâne. Et aussi, visualisez dans la grosse télé à trois chaînes du salon, la mâchoire serrée des Merckx, Poulidor, Hinault et autres Fignon, avec la gapette à l’endroit ou à l’envers, visière droite ou remontée, pendant que, vautrés sur le tapis persan, une cigarette au chocolat vissée au coin du bec, vous reproduisiez l’étape du Tour avec vos cyclistes en plomb. La loi Evin, c’était de la science-fiction.
En effet, la propreté familiale a laissé la place à l’hygiène publique, et la santé est devenue un capital, qui, pour être illusoire et éphémère, n’en est pas moins évalué par les assureurs et les ministres. En bref, le risque ne relève plus de choix individuels, mais de calculs économiques. Chacun connaît la réplique culte de Alain Chabat dans Gazon Maudit : « J’en veux pas de ton casque, il me fait une tête de cul ton casque ! ». Mais l’on oublie parfois la réponse pleine de sagesse du regretté Ticky Holgado : « Bourré comme tu es, vaut mieux avoir une tête de cul qu’une fracture du crâne. » Où l’on voyait poindre la difficile transition entre l’insouciance des Trente Glorieuses qui n’en finissaient plus d’agoniser et le réalisme froidement sécuritaire du Nouveau Siècle qui tardait à venir.
Hélas, le casque n’est plus négociable, sécurité oblige. Et, si au début c’était surtout pour les contre la montre ou le Paris-Roubaix, tout le monde y est passé.
Pour avoir atterri la tête dans un poteau téléphonique il y a 15 jours, je suis bien placé pour en parler. Mais en-dessous, j’avais ma gapette Mercier. Elle a sûrement contribué à amortir le choc, et à empêcher ma boîte crânienne de dévisser sous le polystyrène du casque.
Durant les 70 bornes qui précédèrent la chute, elle a courageusement empêché la sueur de couler sur mes lunettes. Et oui, à la Réunion c’est l’été. Avec le soleil de face, elle m’a assuré, grâce à sa visière courte, une vue à l’ombre sur la route. Relevée, elle a rendu mon affreux casque de millenium compatible avec le Vitus vintage sur lequel je gravissais fièrement des côtes à pourcentage respectable. Enfin, et surtout, en pleine récupération sportive à la buvette du village, elle m’a assuré une classe et une superbe propre à faire baisser les yeux à tous les usagers de VTT électrique.
L’histoire de ce petit couvre chef , du latin « caput » signifiant « tête », remonte naturellement au mot « capette », cousin de « chape » et de « capuche ». La gapette est donc un petit capuchon, un peu trop modeste pour l’époque du Petit Caporal et de son célèbre bicorne, mais adoptée par les poilus de 1919. Elle est bien l’ancêtre de la casquette. Mais déjà à l’époque, de fins observateurs estimèrent que, face aux éclats d’obus, le casque était plus adapté.
Méprisée par les adeptes du haut de forme, du chapeau melon ou du canotier, elle est vite adoptée par les ouvriers, les footballeurs et les cyclistes (souvent les mêmes). Au début du XX° siècle, elle ressemble plus à une pièce d’uniforme des Peacky Blinders, qu’à notre adorable petit morceau de tissu. De nos jours, elle est si légère. Je la traque en ligne sur les sites du monde entier, ou encore dans les boutiques traditionnelles et les shops pointus. Je préfère les modèles en coton, issus de la vraie tradition, aux versions synthétiques vendues par la Chine. Rien à voir. Plus solides, elles vieillissent avec leur propriétaire, alors que les autres périssent vite au rythme des lavages. Quant à la différence entre le coton et le polyester en termes d’aération de la tête, je ne veux même pas m’abaisser à en parler.
Comme la qualité de nos attributs passés se fait rare, elle a un prix. Pour une copie asiatique, comptez entre 5 et 10 euros. Pour une authentique gapette, il vous faudra débourser environ 15 euros. Pour accéder au mythe, ce n’est pas cher payé. Et c’est un investissement, songez-y ! On trouve des modèles collectors sur eBay ou Etsy. Ils sont en très bon état, malgré les années. Et la côte est très accessible. Une fois commencée la collection, il est difficile de s’arrêter. Les meilleurs graphistes circulent à vélo dans les grandes capitales du monde entier. Les marques de cyclisme s’arrachent leurs services et le résultat est décapant. Quel coup de boost !
Les filles aussi se la pètent en gapette, même si j’ai remarqué une préférence pour les casques à la mode.
De même, les jeunes entrepreneurs français commencent à jouer dans la cour des grands. Vous pouvez vous offrir des gapettes personnalisées très jolies et complètement décalées chez les ch’tis de Véra Cycling. https://veracycling.fr/
Et aussi, on trouve de belles pièces de collection très hype chez LeBRAM. https://www.lebram.fr/
Dans les deux cas, des passionnés dynamiques créent des gapettes traditionnelles, mais aussi techniques et pleines d’humour. Leurs sites valent vraiment le détour.
Bon, j’y retourne. Vous restez dans ma roue? Je vous envoie plein de bisous, de coolitude et de bonnes vibrations ! Pour les motards sans pédales, je continue le roman Motochrome, et je prépare un post qui fera date dans la culture motocycliste…surprise 😉
Clay
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2 commentaires
Demissy
Salut clay !
Merci pour ces chroniques stylées et sportives !
On apprend toujours des choses intéressantes en te lisant !
Bonne route !
Tu as chopé de bonnes guiboles !
Clay
Ouais trop sympa Régis ! Le vélo compense un peu les heures assis à ne rien faire sur ma selle de moto Bonne route et à bientôt !