De l’esprit motard et autres considérations vaguement philosophiques.
De l’esprit motard et autres considérations vaguement philosophiques.
Le sujet ? Pourquoi tu roules ? Pour Quoi tu roules ? Ça ne te parle pas comme enjeu ? Mais si voyons. Fais comme moi. Coupe le contact et jette ta bécane avec nonchalance dans l’herbe (oups, déjà là je vais perdre 98% de lecteurs), comme quand on était gamins avec nos vélos. Et cours te planquer derrière un arbre pour réfléchir. Tu peux même lui faire un gros câlin, à l’arbre, si cela t’aide. Après tout, sous l’influence des médias américains, on fait tous de gros « hugs » en mode Trump à des gars pas forcément dignes d’intérêt. On peut bien câliner un arbre non ? Je viens d’offrir la Vie secrète des arbres à mon papa, c’est dire. Ou, pour le dire autrement : existe-t-il ailleurs dans l’univers des vibrations similaires à celles de notre machine ?
Là, tu te demandes où je t’emmène, reconnais-le. Tu sens venir le post qui ne parlera ni de joint spi, ni de masque à la mode. Et pourtant. Ne le nie pas. Tu as tous les tutoriels que tu veux sur le spi grâce au web. Et pour ce qui est du masque de cuir qui coûte cher, occulte la vision latérale et protège moins qu’un écran de casque de supermarché, n’en avons-nous pas un peu fait le tour ? J’y reviendrai plus bas.
Habituellement, je suis adepte du plan en 3 parties, mais mon propos du jour est assez zen. Donc, comme dans le Yin et le Yang, dans les dissertations de droit constitutionnel, et dans les moteurs héroïques, on va faire ça en deux temps !
- L’esprit du motard 2. Le motard de l’esprit.
- L’esprit du motard
Un jour, je ne sais plus qui m’a dit un jour ceci…Si, c’était Denis je crois. Très candide, car il a une expérience infiniment plus solide de la vie et de la moto que moi, je lui avais demandé ce qu’était une bonne moto.
« Une moto ? Ce n’est une machine qu’à hauteur de 50%. Tout le reste, c’est le gars qui la pilote ». Son attitude, son look, son aura. C’est lui la moto. Un gars cool n’aura jamais l’air idiot sur un Dax. Bien entendu, une croûte restera toujours une croûte. Mais tu peux donner le modèle le plus beau et le plus performant à un crétin, ce sera toujours un plouc accroché à une machine. L’autre, c’est un motard. »
Du coup, tout bascule. Je n’écris pas tant sur la moto que sur les motards. Et je serai tenté d’ajouter que la moto, ce n’est pas tant le gars vu de l’extérieur, mais l’esprit même du motard.
L’esprit du motard, hein, et non pas « l’Esprit Motard ». Ce dernier, je confesse qu’il commence à me sortir du pot d’échappement. On le met à toutes les sauces. Chacun décerne des brevets et des anathèmes. « Non, il n’est pas mort ». « Si tu ne fais pas le V, tu ne l’as pas ». « Si tu ne t’arrêtes pas pour aider un gars qui a déjà appelé tranquille sa dépanneuse payée par l’assurance, tu ne l’as pas. » « Si la mort de Johnny ne te touche pas plus que cela, tu n’as pas l’Esprit Motard ». Je ne sais pas si c’est un truc religieux, mais ça flirte bien avec le conformisme et le jugement d’autrui. Avec la nostalgie d’un Age d’Or que la plupart n’a pas connu et qui n’a pas vraiment existé. On lit même des inepties. Sur les forums, des gens sans permis qui dans l’inter-files roulent en scooter sur la roue arrière se revendiquent de ce fameux Esprit. Et pourquoi pas des cyclistes ou des patineuses artistiques ? C’est typique de notre époque. « Si je le sens comme ça, et même si c’est complètement déconnecté des réalités les plus élémentaires, t’es qui pour me dire que j’ai faux ? »
C’est comme le surf. Avant les nouvelles technologies et la mode des « sports extrêmes », on pouvait être 3 à l’eau pendant des heures. Oui mais c’est fini. C’est devenu un truc pour vendre des t-shirts et pour faire son gros malin. Je connais bien l’histoire du surf. Depuis les débuts, les missionnaires sont venus emmerder les polynésiens. Et ensuite, chaque décennie, une génération de jeunes, plus nombreux et moins respectueux, est venue, avec du matériel technologiquement plus avancé mais aussi plus massifié, faire chier des gars plus bourrus à l’eau. Moi je souffrais beaucoup du monde à l’eau. J’ai pas chialé sur le Soul Surfing. J’ai résisté longtemps aux requins. Mais pas aux gens.
Pour la bécane, je tiens bon. La circulation évolue. Les gens conduisent en textant. La législation est étouffante. Il y a plein de blaireaux qui me fatiguent. Mais je tiens bon car cela reste pour l’instant un super vecteur de liberté et de créativité. Pour moi. Et pour toi, sinon tu serais déjà parti sur une autre page. Plus tard, on roulera peut-être sur des machins électriques, ou pas. On verra bien.
En attendant, sans la moto, je peux bien le dire, même si cela peut sembler étrange aux piétons et aux caisseux, j’aurais perdu ma force dans le Malheur. Même quand je n’en avais plus rien à faire de regonfler les pneus ou même de vérifier le niveau d’huile, mes bécanes m’ont procuré ce petit supplément d’âme qui m’aura permis de me sentir encore vaguement vivant et de ne pas lâcher l’affaire.
Bof, et puis chacun peut bien croire ce qu’il veut. A vrai dire je n’en ai juste plus rien à foutre. Je ne vais plus trop me déprimer à alimenter les querelles stériles. J’ai pas l’Esprit ? Pas grave, tu peux te le garder bien au fond.
Par contre, j’aime bien m’interroger sur l’esprit du motard. M’interroger, parce que, comme toi, j’en apprends tous les jours. Mais qu’est-ce donc qui nous anime ? Bien entendu, il y a des classiques du genre. Je les ai déjà évoqués dans notre rubrique « Sous le casque ». Le zen de la bécane, les explorations du Tesson…OK.
https://claymotorcycles.com/category/sous-le-casque/
Mais tout ça, c’est de la littérature. Et, question aventures, pour la grosse majorité d’entre nous, elle consiste plus à survivre en milieu urbain qu’à traverser l’Oural.
Cependant, un truc nous relie tous. J’en suis intimement convaincu. C’est cette émotion quand le moteur s’anime sous nos cuisses. Ce plaisir à épouser de beaux virages. Cette jouissance éprouvée lors d’une accélération brutale. Et tu le sais bien, même si la sensation est en soi agréable, elle ne peut à elle seule contenir tout ce qui nous relie à notre bécane. C’est plus. C’est une spiritualité.
Il y a là un nouveau paradoxe. La moto est une pratique égoïste et individualiste. Mais on le sait tous et on adore la partager.
Mais ce paradoxe n’est qu’apparent. L’égoïsme n’est pas une maladie honteuse. C’est même une base saine. Comment peut-on monter en passager sur la selle d’un pilote qui ne s’aime pas lui-même ? Qui n’a pas confiance en lui ? Qui se laisse gratter par tous les usagers de la route ?
L’égoïsme, ce n’est pas l’égocentrisme. On n’a jamais dit que sur une moto il ne fallait penser qu’à sa gueule et mettre la vie des autres en danger, sous prétexte qu’on aurait toujours raison et qu’on serait le plus fort.
Une spiritualité donc. J’y vais un peu fort ? Pas si sûr.
- Le motard de l’esprit.
Pour nous enfoncer encore un peu plus en avant et en profondeur dans la voie de la Force, il est même permis de se demander en quoi un motard reste un motard sans sa monture. Ceci n’est pas une abstraction. Sans notre moto, le lien subsiste-t-il ? Je m’explique. Sur ta moto, tu es un motard. Tu vrombis, tu te la pètes, tu fais corps avec la bête mécanique. La bête humaine, c’est toi. Mais quand tu es à côté de ta meule. Que tu ranges tes gants homologués dans ton casque homologué avec les stickers réfléchissants homologués sur un espace réservé aux deux roues à moitié squatté par des camions de livraison, tu es encore un motard, non ? Tu te la pètes toujours grave. Les rampants se pâment devant ta superbe bécane, et les femmes sublimes cherchent à accrocher ton regard fougueux. Pourtant, soudain, tu entends le moteur d’un camarade qui passe. Il roule ! Tu esquisses un petit V ou un salut de la tête. Souvent il te répond, non sans une certaine condescendance. Et c’est qui le boss là ? Ben c’est plus toi. Pourtant, tu restes un motard, non ?
Je poursuis. Tu fends la foule avec ton superbe cuir, le bras crispé sur ton casque tel un chevalier teutonique avec son heaume. Tu as tellement peur qu’ils ne sachent pas que tu as une moto que tu as même le nom de ta marque floqué dans le dos. Ou celui de ton blog…Ahhhh, le désir de reconnaissance ! La quête d’identité ! Oui mais tu as beau chercher des yeux un frère d’arme dans cette forêt de têtes qui se rue sur les soldes, il n’y a personne. Eux, ils sont venus en bus, ou ont galéré pour garer leur caisse. Ou, s’ils se trimbalent un casque, c’est parce qu’ils se trainent sur un scoot à 3 roues !
Et c’est pas fini. La descente continue. Tu es en costard pour le boulot ou en maillot à la piscine. Et il est où le motard là ? Hein ? Tu es à poil. Les autres ne savent pas. Pour eux, tu es comme eux. Mais toi, tu y penses. La moto, c’est dans ta tête. C’est ton petit moteur à toi. Et c’est bien. Et c’est à cela que je veux en venir. L’esprit de la moto n’existe que par le motard de l’esprit, le motard spirituel. Les deux faces ne font qu’un. Tu restes connecté à ta meule, aux molécules autour et en toi. A moto, dans le vent, tu respires, tu vois et tu entends, et tu chevauches des explosions à répétition, et ça c’est cosmique.
C’est comme le surf, le snow ou la boxe, ou toute noble activité dans laquelle ton corps et ton esprit fusionnent avec l’environnement extérieur tout en acceptant que la maîtrise ne suffise jamais. Il y aura toujours un facteur extérieur qui t’échappera. Un gars sur sa board ou dans sa caisse qui te grille la priorité. Une feinte inattendue de l’adversaire, une crampe, un câble qui lâche alors qu’on l’avait pourtant contrôlé. Tu ne dois pas ignorer cette fatale chaine de causalité qui te pend au nez façon Destination Finale. Tu dois la connaître. Ceux qui se croient immortels et qui ignorent ces paramètres roulent à côté de leur vie. Ils sont souvent même très performants. Mais, fondamentalement, à côté de leurs pompes. Généralement, ils craignent la solitude et ne pratiquent qu’en meute. Il leur faut des clubs, des compétitions et des marques. De la masse quoi. Appartenir à un groupe ou rester connecté à une communauté ? En être ou tout simplement être ? Ils trimbalent des tas d’équipements voyants dans des sacs. Au cas où. Ils FONT de la moto, du surf, de la boxe. Ce sont des usagers, quoi. Et pourquoi pas ? On ne juge pas. Trop fatiguant. Mais alors qu’ils ne viennent pas nous faire pipi sur les boots avec leur fameux « Esprit » tellement grégaire qu’une firme de prêt à porter se l’est accaparé. Non. Toi tu roules léger. Il y a ce moment où tu es tellement conscient de tout ça que tu l’acceptes pour l’oublier. Tu pilotes, tu surfes, tu boxes. Tu y es. Le lâcher prise dans l’action entraîne immédiatement l’inspiration. J’ai baptisé ce principe « A.I.M.E. » Action Inspiration Motivation Energie. L’un génère l’autre. A la fin tu débordes d’énergie vers les autres et ça les pousse à agir à leur tour et on recommence ! Essaye et tu m’en diras des nouvelles. Et si tu ne meurs pas, la joie pleinement vécue te motivera encore plus pour recommencer encore et encore. Sans fin. Sans aucun objectif satisfaisant. On s’en fout de l’endroit où on va. La performance est secondaire. Tu roules. Indéfini. Juste parce que. Tu as gagné l’éternité mon pote. Et si tu meurs, soudain, là, sans souffrance, c’est l’infini.
Bien sûr, il y a le risque de ta perte pour les autres. Ta mort, tu l’auras saisi, ne te fait plus peur du tout. La mort, tout le monde en parle. On voit des macchabées plein les infos, plein les films. Mais c’est abstrait. Et la souffrance de ceux qui restent ? Personne n’en parle. Il y a deux fois plus de veufs et de veuves que de divorcés en France. Etonnant non ? Dans notre beau pays, 47 000 veufs précoces de moins de 55 ans, dont 80 % de femmes, chialent leur race au moment où tu lis ces lignes. Tu le savais ? Moi pas. C’est normal. C’est un tabou. Et je ne te parle pas des parents, des enfants, et de leurs amis. Et pour ces gens, qui avaient de chouettes petites habitudes, une sexualité épanouie et des projets communs plein la tête, le (ou la) défunte a parfois perdu la vie en moto. Environ entre 600 à 700 de nos frères et sœurs par an. Ça aussi tu dois y penser à chaque fois que tu tournes la clé pour envoyer la musique, et à chaque fois que tu essores la poignée. Même si tu fais très attention, même si tu es le Maître Yoda motorisé que je viens d’évoquer, le risque est là pour tes proches. Tu dois savoir que tu n’y peux rien. De toute façon, tu peux renoncer à la moto et périr dans un attentat, écrasé en traversant la rue, ou terrassé par une sale maladie. Et même, tes proches peuvent décéder pendant que tu es sur ta bécane. Et tu pourras bien accélérer comme jamais, et te battre contre le vent, et vouloir apprivoiser l’air, mais cela n’y changera rien.
Mais bon, on n’est pas venus là pour déprimer en s’infligeant de la tristesse. Etre zen à moto, ce n’est même pas penser à la mort. C’est juste se sentir vivant. Ok, tu dois, bien entendu, veiller à rester en vie. Mais ce n’est qu’une étape. Tenir en équilibre sur un moteur, une planche ou un ring, le tout dans un environnement souvent sublime mais potentiellement surprenant voire hostile, cela requiert d’excellents réflexes et un solide savoir-faire technique. Tu peux même te faire plaisir en testant une nouvelle feinte, en appréciant la dérive que tu viens d’installer après l’avoir shapée toi-même, ou ce nouveau guidon qui te rend la route encore plus fluide. Mais nous ne sommes pas des poseurs, et encore moins des testeurs. Nous sommes des rêveurs. Dans le sens noble du terme, c’est-à-dire, pas des glandeurs (du moins pas uniquement), mais surtout des humains connectés au monde et qui ont choisi de vivre leurs rêves, plutôt que de regarder ceux que la société a gentiment fabriqués pour eux. Tu noteras que les publicités sont souvent d’autant plus belles esthétiquement que philosophiquement dégueulasses. En ce moment la pire, c’est pour une caisse japonaise (un indice : la même marque que celle du pick up Claymotorcycles). Elle est très pernicieuse car elle met sur le même plan un gars qui surfe une droite hivernale de folie et…un autre qui roule en SUV climatisé ! La signature semble évidente « Vous êtes ce que vous choisissez ». Vous êtes ce que vous décidez ? Ce que vous faites ? Ce que vous êtes ? Non. Ce que vous choisissez ! Tu n’es pas choqué ? OK. C’est vrai qu’on dit souvent « Tu es plutôt Paris ou Londres ? Plutôt Coca ou Pepsi ? Je vais t’aider un peu. Imagine. Tu es au rayon PQ. Alors, tu es plutôt rose, blanc ou jaune ? Compact ou doux ? Voilà, on n’est pas une machine à choisir ! Choisir n’est pas une liberté mais une contrainte ! Déjà, en soi, glander est un art, dans une société obsédée par la productivité du travail et la rentabilité des loisirs. Mais c’est une autre histoire. Et dans la pub on doit choisir quoi ? L’hybride ! Ah ! Ah ! Ah ! Le compromis bâtard par excellence. L’absence de risque. « Décider » vient du latin « decido », « je tranche ». Là, entre le pétrole ou l’électricité, je reste indécis, alors je choisis l’hybride. Pourquoi pas ?
Etre ou avoir ? Sommes-nous venus au monde pour choisir ? Ou pour rien ? Alors il faudrait se résoudre à être soi-même et créer. Vivre son rêve au lieu de rêver sa vie, telle est la grande histoire. Avec une moto, cela consiste à poser un autre regard sur la route. Ce n’est pas un moyen financé par nos impôts pour nous déplacer d’un point à un autre. C’est une quête. Vue sous cet angle penché, une flopée de virage n’est plus une perte de temps mais un gros gâteau à consommer sans modération. Une longue ligne droite n’est plus une bande d’asphalte monotone mais une vague à surfer sans fin.
Epilogue (parce que je ne peux pas m’empêcher de faire 3 parties) : le motard en rouge et noir.
Si je te confie ces belles méditations, un peu éthérées j’en conviens, c’est que, pour un gros mois, je suis parti loin, dans un coin paumé, sans mes motos. Au début, c’était plutôt dépaysant. Comme dit l’autre « Mieux vaut vivre dans le trou du cul du monde que dans un monde de trous du cul ! ». Oui mais que faire quand dans le trou du cul du monde, les rares que tu croises sont tous des trous du cul ? Au bout de quelques jours, j’avais l’impression d’être un cow boy en exil loin de ses bêtes. Il faisait froid. Je m’emmerdais. Rien à faire.
Parfois, je prenais une caisse et je roulais dans des paysages monotones, pas du tout comme dans la pub. Je croisais de rares motards emmitouflés à qui je savais qu’il était vain de faire un signe. J’ai relu un peu Spinoza, et puis des bouquins sur l’art de la guerre, et d’autres sur le développement personnel. Il fallait bien se rendre à l’évidence. Ce qui se présentait comme des vacances pour « se changer les idées », comme ils disent, allait devenir une retraite spirituelle où je devrais donner un sens au seul fait d’être là à respirer. Et depuis, mes idées sont toujours les mêmes. Je ne les ai pas changées. C’est ma façon de les considérer qui change. Passé un cap où j’avais plutôt l’impression de m’effondrer sur moi-même, je me suis mis à prendre tant de recul que je pouvais simultanément sentir l’univers, mes battements de cœur et la somme de mes questions sans réponses. Depuis, l’augmentation du prix du diesel, les limitations de vitesse, Trump et Macron, tout ça, j’en ai juste plus rien à foutre. Je le dis sans ressentiment, hein. Mais, même de manière légère, ça ne m’intéresse pas. Et parce que, plus en profondeur, ça ne m’a jamais vraiment passionné.
Dans mon exil, je n’ai dit à personne où je me planquais. Faut pas le prendre mal. Mais instinctivement je sentais que rester seul, sans moto, sans potes, sans distractions, sans rien à faire était le truc à faire. Pour juste ne plus en avoir rien à foutre et me retrouver enfin. J’ai eu des épisodes où j’ai failli craquer. J’ai contacté des amis. Mais non. On ne s’est pas vus. Ni même appelés au téléphone. J’ai même cru virer barge, tant ça tournait dans ma tête, comme une roue libre sans son hamster. J’ai aussi compris que s’user les yeux sur des magazines de moto luxueux n’était pas la voie. Des babioles inutiles et hors de prix (le masque vintage dont je te parlais ci-avant). Des motos qui jamais ne seront immatriculées sous nos cieux. Des happy fews qui se donnent trop de mal à communiquer sur leurs délires pour que ce soit vraiment délirant. C’est pas du rêve. C’est du vent.
Mais alors ? Alors ? L’autre jour, je me traînais sur une belle route de montagne avec un utilitaire familial. Y a un voyant vert qui s’allume quand tu as sélectionné le rapport adéquat à ton allure. Ah ! Ah ! Tu imagines ça sur ma Yam ? Les lacets bien serrés serpentaient au-dessus du vide, avec une rivière à sec en contre-bas. « Pfff… » Songeai-je alors « Même pas moyen de faire du kayak dans ce pays de merde ! ». Et puis soudain, la vision fugace. Mon cerveau a tout imprimé au ralenti. Cette puissance brute. Cette maîtrise ramassée sur elle-même. Cette union du corps, de l’âme et de la machine. Un gars en combi de cuir noir, à l’ancienne. Hyper ajustée. Intégral rouge. Boots de compète, noires elles aussi. Son corps, à la fois tendu et agile, qui se cramponnait au métal. La tête et le cou enfoncés derrière la bulle d’une sublime Ducate rouge. Juste le temps de sortir un genou pour frôler le bitume, et il disparut subitement dans mon rétro.
C’était juste cool et beau. J’ai souri. Comme quand on savoure un moment rare. J’avais le même ressenti quand je voyais un pote déchirer une vague au petit matin et qu’on était encore seulement deux ou trois à l’eau. Et j’avais le même sourire quand un copain de la boxe française avait anticipé ma feinte et qu’il se marrait lui aussi parce que j’avais anticipé sa contre-attaque. Ce motard kiffait sa vie seul sur cette route déserte et moi, j’avais vu son geste et je l’appréciais en connaisseur. Je pouvais m’imaginer à sa place. Je n’étais ni spectateur béotien (« Oh la belle moto ! »), ni compétiteur jaloux (« Pfff…c’est moi qu’a la plus grosse ! »). J’avais une vision. Et ne pilotant pas la machine, j’étais peut-être alors le seul au monde en mesure de lui conférer sa beauté. Je remerciai intérieurement ce pote inconnu de m’avoir offert ce moment unique. A la fois si familier et si rare. Une pure action. L’espace d’un moment subreptice et éphémère, j’étais moi-même couché sur la belle italienne. Ah yes ! Putain mais c’était donc ça la vie !
En rentrant dans ma cachette paumée, je me fis un café bien chaud et me lançai aussitôt. L’action entraîne la motivation. Je commençai alors et je me sentis inspiré. Je faisais avec joie mais application un des trucs que je fais le mieux. Penser par écrit pour donner de l’énergie aux gens qui veulent bien en recevoir.
Et si, malgré tout, tu cherches encore l’esprit motard, tu le trouveras sûrement là :
https://www.viedemotard.fr/2015/02/22/esprit-motard-es-tu-la/
Bonne année 2018 et à bientôt sur les routes à 80 km/h et sur les autoroutes du web. Rise and shine, again. Bisous
Clay
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5 commentaires
Mickymicke
Yeahhh.
Mickymicke
Vincent XR
Un régal à lire comme dab!
Jsui tellement d’accord avec ce que t’écris!
Clay
Moi aussi
Ferreol
Un réel plaisir de te lire. Je n’ai pas ton univers, je n’ai pas ton verbe mais je me retrouve tellement quand je prends mon vieux KLE pour rouler. Juste rouler, vider la tête, regarder la vie.
Merci.
Bonne route, bonne continuation
Clay
C’est moi qui te remercie Mister Ferreol, pour ton soutien et ta confiance. C’est mieux de ne pas avoir mon univers qui ces derniers temps n’est pas très rose. Pour le verbe? « Juste rouler, vider la tête, regarder la vie ». Tu as tout dit ! Bonne route à toi aussi sur ton fidèle KLE. Amicalement. Clay 😉