TOUTES LES MOTOS DE JAMES BOND : LES ANNÉES 90
Nous continuons notre inventaire encyclopédique de la moto chez James Bond avec l’Ere Brosnan, laquelle voit la moto enfin pérennisée au sein de la franchise, tout comme sur les routes de l’époque. Pierce sort du bois après 6 ans d’absence de Bond à l’écran. Pourquoi donc ? Quatre raisons, Sir. La première : il faut trouver un remplaçant au très mitigé (en lui-même et aux yeux du public) Timothy Dalton, lequel a trouvé malin de démissionner officiellement en 1994, plus attiré par Shakespeare que par Fleming. Il avait déjà décliné le rôle en 1967, 1969, 1980 et 1986! Ensuite, Eon était en conflit avec la MGM. Une saga aussi juteuse que James Bond, après 16 opus, génère toujours autant d’embrouilles juridiques et financières. Nous n’entrerons pas dans le détail, déjà assez gavés par les affaires du XXI° siècle. De plus, Licence to Kill était sorti en 1989. Vous vous rappelez ? L’année de la Chute du Mur de Berlin. A l’époque, mon prof d’Histoire me disait que c’était la fin du cauchemar, et mon prof de philo la fin de l’Histoire. Mais mon petit baromètre géopolitique intérieur m’indiquait que c’était juste le début des emmerdes. Comment continuer à jouer aux espions si l’ennemi n’est plus clairement identifiable en tant que foutu communiste biberonné au Parti, aux survêtements rouges et aux parapluies bulgares, camarades ? Pour la première fois, les scénaristes vont devoir sortir des clous du romancier britannique pour écrire le film originellement destiné à Dalton. Par contre, Golden Eye est le nom de la villa jamaïcaine de Ian Fleming, soit un hommage à la célèbre opération qu’il avait montée dans le détroit de Gibraltar durant la Seconde Guerre Mondiale en tant qu’officier de renseignement de la Royal Navy. Enfin, Brosnan a découvert le cinéma avec Goldfinger. Dès 1980, il se balade sur le tournage de Rien que pour vos yeux et tape dans l’œil de Broccoli, le producteur. En 86, Moore passe la main, mais Brosnan est prisonnier de son contrat avec « Les enquêtes de Remington Steele ». En 94, la voie est libre et il est libre. Il va vivre son rêve de gosse et d’acteur. Dalton incarnait un Bond réaliste et très proche de la vision de Fleming. Mais la saga vira au bide. Charismatique, enthousiaste et spectaculaire, Pierce va amener Bond à renouer avec le succès. Avec lui, la moto sera définitivement intronisée dans une saga directement propulsée au cœur des années 90. Des années d’optimisme et de gros volumes de ventes de 2 roues motorisés. Il se fera virer à 50 ans, comme la plupart des cadres corporates qui se sont tués à la tâche pour une franchise qui jette les acteurs comme des kleenex. En même temps, il faut avoir vu Moore en Bond à 58 ans pour comprendre le concept de pénibilité du travail. En attendant, ne boudons pas notre plaisir et partageons la jubilation avec laquelle Pierce s’engage dans le moindre plan. Et savourons aussi sa concentration brutale à moto ! 1995 GoldenEye 8mn 45s : (A lire en écoutant le hit de Tina Turner, le nez pincé pour parfaire l’imitation). Dès le pré-générique (marque de fabrique des Bond, toujours copiée mais jamais égalée), Pierce nous fait un merveilleux cadeau, amis motards. Nous sommes dans le passé, face à l’Armée Rouge : le bon vieux temps ! James et son acolyte sont poursuivis par une horde de soviétiques, menée par deux Cagiva 600 W16, lancées à ses trousses. Il en neutralise une avant de sauter dans l’avion,… dont le pilote finira écrasé par la seconde. Ejecté de l’avion, James enfourche la deuxième Cagiva et se jette dans le vide. Voyez-vous, quand j’étais gamin, je vénérais un livre de Norman Spinrad, juste à cause de la couverture. C’était en 79. L’année de sortie de Mad Max. J’avais de la chance. Du moment que c’était des bouquins ou de bons films, ma mère me laissait lire et voir tout ce que je voulais. Les interdictions basées sur l’âge ne correspondaient pas à ma personnalité. Merci Maman, pour la qualité permissive contre la censure quantitative. Bref, ce petit livre opérait la parfaite synthèse entre mon goût immodéré pour l’Eroïc Fantasy et la bécane. On y voyait un cavalier de l’Apocalypse se balancer dans les airs, juché sur une bécane mi fossile, mi rat-bike. Je ne m’en suis jamais remis. Je suis devenu motard dès que j’ai pu. J’ai aussitôt résolu que se jeter à moto du haut de la falaise du Cap Gris Nez, face à la Manche et aux côtes anglaises, était la meilleure façon de mourir avant 30 ans, date limite de péremption pour tout rebelle digne de ce nom. Jeunes gens, vous qui me lisez, n’essayez pas à la maison. Je n’ai jamais mis ce plan à exécution, ce qui m’a offert l’immense plaisir d’écrire ces lignes. Maintenant je suis trop vieux pour jouer dans un Bond et il est trop tard pour jouer les James Dean. Quoique. Pour un sénior, cela garderait du panache non? Bref, sous mes yeux ébahis, en 1995, Brosnan accomplissait mon fantasme. Bon, OK, sur une petite Cagiva, mais tout de même ! La scène est censée se dérouler en 1986, et donc avec des Cagivas 350 T4. En réalité, James se déchaine sur une série W qui ne sortira qu’en 87. C’est tout de même pas mal. Il est étonnant de montrer des soviets sur des bécanes italiennes. On s’attendrait à des Ural. Par contre, l’Armée Française a bel et bien possédé 1450 trails T4 très fiables, capables de grimper à 145 km/h, avec une autonomie de 1000 km et 146 kg. L’armée italienne en était également équipée, bien entendu. Plus loin, à 50 mn 50 s, James ne daigne pas jeter un œil au quad militarisé de Q. Il a raison. Ce vil véhicule n’est pas une motocyclette. Par contre, le passage à la BMW comme voiture inaugure un solide partenariat entre James et les bécanes bavaroises, repris par la suite par Tom Cruise (un copieur) et la franchise Mission Impossible (une pâle imitation). Plus loin, la poursuite en char russe dans les rues de Moscou vaut son pesant de caviar, mais il n’y a que des Lada, des vélos, et pas de motos. 1997 Demain ne meurt jamais Voiture : Un petit tour en Aston, histoire de garder le lien avec la légende, même si la marque appartenait intégralement à Ford depuis 93. Un coup assez facile mais qui fait toujours plaisir dans la saga. Et ensuite, les choses sérieuses avec …une BMW série 7 blindée, radio commandée via un téléphone Ericsson. La franchise devient de plus en plus une plateforme de placement de produits. Et c’est la firme bavaroise qui régale. En 1998, BM se partagera le gâteau Rolls Royce avec Volkswagen. Quand le patrimoine automobile british est à vendre, on peut bien se payer Bond dans la foulée. 25mn49 : Quand on ne voit pas de bécane chez James, il y a toujours une bonne vieille escorte de police! BMW K75 RT. Pour plus de précisions sur la K 75 RT il faudra se reporter à la période précédente et c’est là : Toutes les motos de James Bond : les années 80 Ensuite, James se retrouve menotté à Michèle Yeoh. Il y a pire. Et c’est franchement la seule James Bond girl qui soit vraiment capable d’en remontrer à ce vieux macho. Par contre, cela promet une balade mouvementée. Après avoir sauté d’un gratte ciel, nos deux partenaires se retrouvent devant un parterre de motos custom. Au milieu, comme pour ringardiser les autres, se trouve la BM mythique du film, censée concurrencer les Harley et les japonaises. 1h 17mn 59s : Au premier plan, on reconnait immédiatement le fer de lance de la concurrence japonaise : l’indéboulonable Honda VT 600 C Shadow avec ses 199 kg à sec et son réservoir de 11 litres. Et, juste derrière, trône un modèle désormais légendaire, le fameux « mini V-Max », j’ai nommé, la Yamaha FZX 750 Fazer, laquelle ne sera plus en production un an plus tard, après une jolie carrière de 10 ans. La BM donc. Dans ce fatras de mobs (on distingue aussi des cases de Harley ou de Goldwing, et aussi de petites cylindrées. La compagne d’infortune de James veut une voiture, mais James décide qu’une moto c’est mieux Il chope la BMW R 1200 C et démarre avec sa passagère menotée. En réalité, il y a deux R 1200 C côte à côte, au cas où le subconscient du spectateur n’aurait pas tout intégré. Un consommateur averti deux fois en vaut quatre. Un custom sorti en même temps que le film. Bicylindre à plat, 4-temps, refroidi par air et huile, ACT, 4 soupapes par cylindre, 1 170 cm³, puissance max 61 chevaux et couple 10 Kg-m (on croirait mon BT Bulldog 1100 !). 5 rapports, injection électronique, cardan, freins à disques. On n’est plus chez Connery. Faut du confort ! Et il y aura de la casse : 12 modèles détruits sur 15 durant les cascades ! Grâce à Pierce, enfin, dans les années 90, la moto n’est plus un accident de parcours mais un choix assumé avec style. Désormais, un gentleman peut tout aussi bien se pavaner en voiture de luxe ou s’enfuir avec une bombasse accrochée sur la selle passagère d’une moto élégante et coupleuse. Chacun une main sur le guidon, ce sera plus pratique. La poursuite va durer près de 6 mn. 5mn58 très exactement. C’est très long. Et c’est un festival de dérapages, de sauts et d’accélérations, lequel culminera avec un saut à moto de 21 mètres de long et 15 mètres de haut au-dessus d’un hélicoptère, avant de se terminer au raz du sol, sous les pales du même hélico. 1999 Le Monde ne suffit pas. James vend toujours des Omega Seamaster (Diver Blue 300m), des boutons de manchettes Dior et des BM, maïs c’est en roadster Z8 qu’il part à la rencontre de notre Sophie Marceau nationale. Pas de moto à vendre, mais qui s’en soucie ? 2002 Meurs un autre jour. Halle Bery, Madonna, le retour d’Aston Martin et l’éternelle Seamaster : tout ceci est bien gentil, mais pas de moto. Alors, contrairement à ce que j’avais prévu, je n’ai pas divisé mes deux derniers chapitres entre les années Brosnan d’une part et les années Craig de l’autre. J’ai pu rester à mon format par décennies. En effet, Bond et les motos, pour Pierce, cela restera cantonné aux années 90. Et c’est Craig qui, pour l’éternité, incarnera le motard bondien du XXI° siècle balbutiant. En effet, James Bond nous a gardé le meilleur pour la fin, car il va revenir avec Daniel Craig et ses bécanes. Mais ceci est (presque) une autre histoire. Suivez-nous:
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