Laurent Cadet, alias Lolo pour les intimes, nous a quittés. Beaucoup de mes anciens lecteurs le connaissent. Soit parce qu’ils ont croisé sa route à la Réunion ou en Métropole, soit parce qu’ils ont lu des posts des années 2013, 14, 15 ou 16. C’étaient les années où j’étais très actif en termes d’événementiels consacrés à la moto de caractère et à la custom culture. Et question Kustom, Laurent, il en connaissait un rayon. C’est d’ailleurs à l’instant, en regardant des motos préparées, sur les réseaux sociaux, entre une photo de café racer et une énième pin up trop dénudée sur sa selle en cuir, que j’apprends son décès. Les RIP, les cortèges à moto, etc. Ce n’est pas mon truc. J’ai mes raisons. Alors il me reste les mots, et quelques images d’un passé si proche et si lointain à la fois. Je ne vais pas me la raconter genre nous étions hyper amis. Je ne le connaissais pas assez pour cela. On va dire que c’était un partenariat basé sur une passion commune, et que cela a évolué vers une bonne camaraderie à force de se croiser au feu à grands renforts de signes, de descendre des bières à droite et à gauche dans les bars et les concentrations et de rouler côte à côte aussi. Je ne sais même pas si on peut dire qu’on était copains, vu qu’on s’est parfois engueulés bien comme il faut, ah ! Ah ! Comme la fois où il m’a téléphoné furax parce que je venais d’éditer des stickers qui, sans que je m’en rende compte, plagiait les couleurs de son Brotherhood aujourd’hui dissout, les Flibustiers. Fallait que je rappelle son Prez d’urgence à 22h30, une vraie affaire d’état. J’avais fini par offrir les stickers à toute la bande, pour décorer leurs frigos. Plus tard je me suis vengé et je les ai sortis…en t-shirts route 974, ah ! Ah ! Laurent lisait beaucoup ma prose, mais c’était aussi un peu pour vérifier que je ne racontais pas trop de conneries sur les MC. Pourtant, je n’oublie pas que le premier jour de mon premier reportage, quand j’ai déboulé en Dax à la Fête des Motards, c’est lui qui m’a accueilli avec Adrien et présenté à plein de gens qui allaient m’ouvrir tant de portes par la suite. C’était aussi un photographe hors pair. Les bécanes, bien sûr, mais aussi les animaux. Un vrai chasseur d’images. C’était son côté ancien militaire, warrior au grand cœur. Un type somme toute discret et plein de tact sous des airs de pirate de l’Océan Indien. Ça je l’ai senti quand j’ai vu avec quelle humanité il photographiait les gens. Je me rappelle très bien quand il est venu me chercher pour poser avec Aude-Emmanuelle, ma jeune épouse elle aussi prématurément disparue. Il nous avait charriés sur le coup, mais, l’air de rie, la photo était juste un parfait instantané du couple glam ‘rock que nous formions à l’époque. On avait même fini par découvrir qu’il était un cousin éloigné d’Aude-Emmanuelle. Donc, à partir de ce moment là, ce n’était plus trop une histoire de copain ou pas copain. C’était tout simplement un peu la famille. C’est surtout pour sa famille à lui que j’écris ces lignes le soir même où je viens d’apprendre la terrible nouvelle. Je n’oublie pas que, lorsque j’ai dû affronter la sidération du deuil le plus épouvantable, j’étais réconforté que les gens tentent de trouver les mots, même si nous savons que c’est impossible. Les mots sont de trop. Ils sont inadéquats. Trop forts ou trop faibles. Mais il y aurait pire que ces mots : le silence et l’indifférence. C’est une chose de voir partir l’être aimé. Le père, le fils, l’âme sœur ou le frangin. C’en est une autre de découvrir que le monde continue à tourner. Sur le coup, ça, c’est inconcevable. Inacceptable. Et quand les gens vous renvoient tout l’amour partagé avec cet être, soit qu’ils vous confortent dans la certitude de ce que vous perdez, soit qu’ils vous font découvrir des angles magiques que vous ne faisiez que soupçonner, alors c’est un hommage. On se sent moins seul. La mort paraît encore plus cruelle mais la vie se remplit de sens. J’ai vu autour de Laurent évoluer son épouse et ses enfants. On sentait la fierté à peine dissimulée mais toujours réservée et pudique. Après, les Flibustiers ont tout arrêté, il est parti en Métropole, et j’ai moi-même perdu ma femme. Les journaux en ont parlé. Il y a eu des articles dans toute la presse écrite et télévisuelle de la Réunion, et même de Maurice. J’ai reçu des témoignages poignants de gens du monde entier, mais aussi de voisins, d’étudiants et de motards, d’artistes et de penseurs de la créolité et de la liberté d’Haïti, de Belgique, des Caraïbes, du Canada…Cela m’a tant aidé. C’est un peu de cela que je voudrais, en toute modestie, et avec beaucoup de bienveillance, de tact et de pudeur, offrir à la mémoire de Laurent, à sa famille et à ses proches. C’était un homme, un vrai. Modeste, humble même. Un homme d’honneur. J’ai plein de visions fugaces mais tellement vivantes. Une fois, sur le pont Vinh San, en rentrant sur St Denis. Je l’avais rattrapé au feu avec ma japonaise. Il avait les bras accrochés au hape hanger de sa belle Harley prénommée « Désirée ». On avait papoté et on avait roulé ensemble sur le Boulevard Sud. Il n’y avait pas de circulation. Juste nous ou presque. Vous voyez ? Rien de spectaculaire. Mais c’est ça la vie de biker. J’ai savouré ce moment simple. Je l’avais d’ailleurs oublié, et il m’est revenu en tapant sur le clavier pour faire passer l’émotion. Après, je ne sais plus trop quoi dire, vu qu’il n’y a rien à dire. Il était parti en France métropolitaine. Je l’avais perdu de vue, mais j’avais moi-même les yeux embués par la perte. Et maintenant que je suis fort à nouveau et que je chéris les bons moments du passé, je peux bien fouiller des archives longtemps restées en veille dans un vieux disque dur externe. Activer les pixels, faire revivre les émotions du bon vieux temps, à défaut de faire revenir les gens. Pour illustrer ce texte, j’ai choisi une photo prise lors d’une inauguration. Comme il passait son temps à photographier les gens , j’ai peu de photos de lui. Celle-ci est bien à son image. Discrète mais classe. Et toujours rigolard. Il est avec sa moto, une bière et un bon pote. La vraie vie quoi. C’est flou. A cause de mes difficultés à photographier la nuit. Mais c’est une belle photo je pense. Bon ride à toi Lolo, sur la Voie qui mène au Paradis des Guerriers, et tout notre Amour inconditionnel à ceux qui restent encore un moment sur le chemin… Adios LAURENT et merci à toi. Clay Suivez-nous:
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