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Les musées interdits aux motards ? - Claymotorcycles
Les musées français sont-ils désormais interdits aux motards ? C’est la question que je me suis posée suite à une récente déconvenue. Laissez-moi vous raconter. L’aventure se déroule à la Réunion, mais elle concerne aussi les copains de France Métropolitaine. Et à la fin, vous aurez la réponse. Promis ! C’était le 15 août à la Réunion. Avec Aude-Emmanuelle, nous avions pris ce bon vieux BT 1100 pour faire une balade jusque St Leu en passant par la côte. Tout s’était bien déroulé. J’avais respecté les limitations de vitesse pour la rassurer, et j’avais vraiment roulé pépère pour jouir du paysage et du ronron du V-Twin. Les copains nous avaient fait des signes et on y avait répondu. Le vent avait chassé les nuages, la mer était agitée de jolies vagues, avec une route bien dégagée : un Eden pour motards en goguette. A l’Hermitage, un gars en cabriolet avait tenté de nous tuer pour épater sa passagère, et on avait même évité un couteau de boucher qui traînait sur la route. La routine, quoi. Ensuite, nous avions dégusté de chouettes sandwichs. Un américain thon pour Madame, et un américain surimi pour ma pomme. Pas de bouchons gratinés dedans, et oui, c’est le régime ! Et, comme on est des gros malades, on avait arrosé le tout d’un Coca Zéro millésime 2016. C’est dire ! Mais après le café, se posait la question de la suite. « Et si on allait visiter Stella Matutina ? » lança soudain mon accorte passagère. « Banco ! » Nous étions donc partis dans les hauts pour une visite culturelle aussi alléchante qu’imprévue dans ce musée consacré à l’histoire de la canne à sucre et de son exploitation. Une histoire faite de douleur mais aussi de fierté. Le parking était à moitié vide, à 15h45. Normal, les gens étaient tous à la plage. Aude-Emmanuelle était descendue et j’avais coupé le moteur. C’est alors qu’un agent de sécurité surgit de l’entrée. L’homme nous avait repérés de loin. Je l’ai vu obliquer dans notre direction en se massant la nuque, exactement comme Lino Ventura quand il s’apprêtait à asséner une droite à un branque qui lui courait un peu trop sur le biniou. Direct, nous ressentions la curieuse impression d’être en faute, un peu comme à l’école. Tu as fait une connerie, tu ne sais pas laquelle, mais tu sais que tu vas déguster. « Bonjour M’sieurs dames. C’est pour la visite ? » Non, c’te question ! C’est pas pour la visite, tu vois. On s’est juste tapé un détour dans les lacets et la froidure pour admirer la poubelle et le sticker « Aret pler d’si » collé à l’arrière de l’unique caisse du parking. Tu sais, celui avec le p’tit gars qui te regarde d’un air narquois en pissant à terre ? « Bien sûr, nous venons pour la visite ! » Répondis-je poliment avec mon franc sourire jovial, celui que connaissent les gens qui savent que je ne veux pas les vexer mais qu’en gros je ne comprends rien de rien. J’ai failli ajouter « M’sieur l’agent ». Vieux réflexe de motard persécuté, mais là non, après tout. Nous sommes clients. Ce gars est à notre service non ? En face, le gars en question eut envie de nous demander les papiers de la motocyclette, mais il se ravisa lui aussi immédiatement, se rappelant alors qu’il avait raté trois fois le concours d’entrée dans les forces de l’ordre et qu’après tout, glander avec un treillis et des pompes de sécurité au milieu des machines agricoles du XIX° siècle, ce n’était pas si mal. Par contre, il nous mit en garde. La visite durait deux heures, et il ne nous restait plus qu’une heure et demie gros maximum. Mais nous, nous connaissons très bien les pièces exposées par ce musée avant les travaux. Aude-Emmanuelle le fréquentait déjà, enfant, quand on vendait aux visiteurs des friandises à base de sucre péi. Moi, en bon fanatique des belles machines, et avec un arbre généalogique bardé d’ancêtres ayant activement participé à la Révolution Industrielle en Grande Bretagne et dans le Nord de la France, j’ai souvent arpenté les couloirs de Stella pour y admirer une cuve estampillée Liverpool ou un engrenage fondu à Lille Fives. Beaucoup de gens l’ignorent, mais la canne à sucre n’était pas qu’une affaire de sabre. Les machines crachaient la vapeur à la Réunion également, pour le meilleur, comme pour le pire. Mais c’est une autre histoire, et la nôtre, je vais vous la faire courte. Quand nous insistâmes pour visiter, arguant de nos bonnes qualités de marcheurs, de notre peu d’appétence pour les vidéos pédagogiques et de notre envie de revenir éventuellement compléter la visite un autre jour si nécessaire, notre vigilant cerbère passa au plan B. « OK, en ce cas Monsieur, la moto c’est là-bas. Et je vous le dis de suite, nous avons condamné la consigne à cause de l’Etat d’Urgence. Jusqu’en Septembre. Et c’est reconductible avec le plan Vigipirate. » Mince, l’Etat d’Urgence. Pour une fois qu’on n’était pas pressés ! OK. Nous sommes de bons citoyens qui payons plein d’impôts locaux et régionaux, et nationaux même. Et nous sommes solidaires des victimes d’attentat. Des proches ont eu de la chance à Nice, et nous emmerdons les fanatiques. Du coup, toujours le sourire ravageur et le sens du compromis ! Nous ne sommes pas là pour déranger, hein. « La consigne ? Ah, les casques ! Pas de problème, on se les trimbalera ! -Ah non, c’est interdit de visiter avec un casque ». Pan ! Dans les dents ! Là tu fais plus ton mariole, hein Clay ? Non pas Cassius, l’autre… On ne l’avait pas vu venir celle-là. Le gars savourait-il sa victoire ? Non, il tirait toujours une tronche plus avenante que le portail de sécurité d’une Maison d’Arrêt au bord de l’émeute (et je m’y connais !). En tout cas, il ne voulait pas finir plus tôt et chasser les visiteurs, comme nous l’avions subodoré tous deux sans nous parler. Non, c’était autre chose. « Vous comprenez, moi j’applique les consignes. » Marrant. C’est toujours ce que disent les gens qui vous pourrissent la vie alors qu’ils pourraient embellir la leur en facilitant la vôtre. Dans un pays corrompu, j’aurais pu lui glisser un petit billet. Mais ici, dans le pays des Droits de l’Homme, de la Culture et du système D, il aurait pu nous dire un truc du genre : « Ecoutez, je suis moi-même motard. Tout ça c’est des conneries. Je vois bien que vous n’allez pas détruire une vitrine de sabres à canne à coups de Bell 500 Roland Sands à 300 roros en hurlant le nom du prophète pendant que votre épouse ferait de la pôle dance autour d’une gueuze de fonte historique et appellerait les lézards à la guerre sainte. Par conséquent, laissez les casques là-bas au pied de mon desk et je garderai un œil sur eux, d’autant plus que le musée est quasi vide. » Mais ça, ce serait dans un monde merveilleux, où nous serions sortis joyeux, instruits et fiers de notre patrimoine. Aude-Emmanuelle aurait tressé une couronne avec des vestiges de canne à sucre, en aurait ceint le crâne rasé de notre magnifique protecteur, et j’aurais moi-même prodigué à ce héros une accolade virile dont seuls les vrais frères d’arme ont le secret. Une licorne aurait alors traversé le ciel en chantant « Vive Claymotorcyles ! Vive Rossi ! « Dans le monde réel, j’ai juste regardé ma moto customisée par mes soins. Pas de système d’attache, pas de chaîne, pas de cadenas. Surtout pas de top case. Oui, j’aurais pu laisser deux casques qui coûtent une blinde et des masques antiques à forte valeur sentimentale et donc irremplaçables. Tout ça pour une visite au pas de charge sous l’œil malveillant de gens qui ne veulent pas de notre argent. Qui ne veulent tout simplement pas de notre présence. Oui, j’aurais pu. Le pire, c’est qu’en France je venais de visiter un musée de la moto sans le moindre problème. Imaginez un peu des motards interdits de visite d’un musée de la moto…Je sais, j’ai le goût du paradoxe. Mais d’autres appliquent des consignes… Ce n’est pas sans amertume que nous priment à nouveau cette belle route par les hauts, croisant des sorties moto et des nids de poule. Nous étions libres du moins. De retour à la base, nous nous sommes beaucoup remis en question. Avions-nous fait un truc de travers ? En bon geek, j’ai cherché la réponse en ligne. Et j’ai vite trouvé. Notre gardien n’en avait peut-être pas forcément après nous. Les consignes existent. Elles émanent du gouvernement. Pas de casques de moto à l’intérieur ! Notre gars devait en avoir assez d’être envoyé au casse-pipe par sa direction, face à des motards peut-être moins résignés que nous. La preuve en est ce que j’ai découvert sur Trip Advisor : Dans le genre « c’est arrivé près de chez vous », on se sent tout de suite moins seul. Visiter un musée à bécane est pratiquement interdit. Pour les amis du club Black’s River, ça craint. Johan et sa tribu adorent organiser des sorties où ils essorent gentiment la poignée tout en découvrant les merveilles culturelles de notre île. Et j’imagine bien qu’en métropole de telles initiatives ne sont pas rares. En gros, si vous souhaitez vous cultiver à moto, passez votre chemin. Venez à deux avec un gros diesel qui pue, occupez une bonne grosse place de parking et au retour venez grossir les rangs des bouchonneurs qui polluent bien à la queue leu leu. Je ne sais pas si Madame aura le droit de garder son sac à main. Je ne suis pas un expert en sécurité. Il y a fort à parier qu’elle devra le laisser à bord, au risque de constater sa disparition en fin de visite, vu le nombre de pare-brises pétés sur ce genre de parkings mal surveillés. Si par contre elle a le droit de le prendre et que je n’ai pas le droit de prendre mon casque, euh, ce ne serait pas un peu une grosse injustice là ? Ou alors il y en a un qui pilote à moto et un autre qui suit en voiture pour ranger le casque. Intelligent non ? Ou alors il faut un side-car. Ou alors il faut un top case…euh, non, je ne préfère pas. Je vais juste me mater un bon documentaire culturel dans mon salon, vautré dans mon canapé. Je vais économiser la tune des entrées de musée pour payer les impôts qui servent à faire fonctionner les musées, et pour payer les amendes des nouvelles lois motophobes. Si la France veut recevoir les JO de 2024, il ne faut plus de motos vintages. Ça fait sale et négligé. Il faut donc que j’économise aussi pour investir dans les frais de recyclage de mes bécanes. Ou alors j’aurais une prime à la casse pour m’endetter afin d’acquérir une moto électrique, un peu comme celle que j’avais quand j’étais enfant. Vous comprenez, la pollution, ce n’est qu’une affaire de chiffres, pas une affaire de terrain. Je peux aussi attendre que les terroristes cessent de commettre des attentats. Bien entendu, en ce moment, c’est un triste déchainement. Mais déjà en 1893, un anar avait balancé une bombe à l’Assemblée Nationale, et si j’étudie l’histoire de la violence en France au XX° siècle, je n’ai pas vraiment l’impression que ce genre de crime ait disparu du paysage urbain entre cette époque et maintenant. Bon, bin j’irais plus au musée alors ? Après tout, nous sommes des usagers ultra minoritaires. Et chacun sait que nous autres motards, sommes complètement incultes. C’est pas pour nous tout ça. Et puis, le vrai danger sur la route et ailleurs, c’est nous non ? Plus probablement donc, il y aura encore des terroristes mais plus de motards, et on aura la solution au problème. Et bin voilà ! Pour la culture à moto à la Réunion, c’est là : http://blacksriver.forumdomtom.com/ Ils ont aussi une page FB et voici leur logo : -Tu veux pas un casque non homologué comme le mien?- Pas la peine, je vais juste au musée ! Alors, elle est pas belle la vie culturelle française, quand tu circules...
Clay