Comment donner rdv à un mécano/préparateur nomade ? Sur le bord de la route ! Mais comme je suis distrait, je ne m’arrête pas à l’entrée de la Saline, tout content de rouler, encore et encore. Yves est posté au Moby Dick. Il a échoué là son beau camion blanc et noir, tel un superbe animal. Il me voit passer, mais je ne le sais pas. Un coup de téléphone, un joli demi-tour effectué dans les règles de l’art (sans toucher avec les pieds, hein, M’sieur l’Inspecteur qui roule qu’en voiture) et quelques teuf teuf de Bulldog plus tard, me voici à savourer un coca offert par Yves et servi par l’aimable et charmante serveuse du Moby Dick. Si mon artisan du jour travail dans les entrailles de son camion et ouvre celles de vos bécanes, il a plus le physique du capitaine Achab (celui qui traque la baleine blanche) que de ce bon vieux Jonas. Bon, j’arrête là les comparaisons littéraires vaseuses. Heureusement qu’il ne m’a pas filé rendez-vous à la Gueule de Bois ! Yves, c’est le boss du camion AB-HD, un concept unique. Quand vous tombez en panne, il faut apporter la meule au garage. Alors vous y allez…euh, comment ? Ma meule est en panne ! Pas de problème. Le camion débarque. Diagnostic. Si c’est du lourd, on prend un nouveau rdv et il revient. Si c’est pour changer des consommables, effectuer une révision, une modif, ou installer un nouveau guidon, Yves a tout le stock nécessaire, ou peut tout commander. Je bosse sur HD et sur Buell, même si certaines, un peu trop bricolées ou fragiles, sont un peu capricieuses. Buell, c’est très pointu. « J’ai 30 adresses et toutes les références possibles, du pas cher au cher. Catalogues Euro ou canadiens, tout l’aftermarket ». Progressivement, il propose aussi la customisation. Il a l’habitude. Mais il fallait d’abord roder le projet et assurer les fondamentaux. Maintenant, il est prêt à franchir d’autres étapes, même si cela signifie toujours plus de boulot. Je suis toujours pris dans les bouchons ou à travailler chez le client ou à la maison. Ma bécane ne roule plus, et cela me manque terriblement. Je travaille donc sur mon Sporster pour ne pas perdre le contact. J’espère pouvoir le présenter à la Fête des Motards (Celle des Flibustiers, 2° édition, en Octobre, on y sera avec un stand ! Et on fera un reportage sur la bécane d’Yves, bien sûr. NDLR) Ce n’est pas facile pour moi de taper ce post car il y a tant à dire. Yves est un garçon respectueux, modeste et à l’écoute. En même temps, quand vous le branchez mécanique, Harley, et custom culture, on peut parler de tout pendant des heures. Le tout dans le respect. Jamais une moquerie ou un mot de travers. Les clients en costard qui se payent une Harley pour le week-end ? « Je respecte. Il faut beaucoup de courage. C’est un rêve d’enfance. Ils sont fiers de leur bécane et ils prennent du plaisir. Où est le mal ? » Les mômes qui avalent des km sur des petites cylindrées improbables ? « C’est super ! On a tous commencé comme ça ! ». Les Japonaises ? Il a roulé en Fazer, il a bossé des années chez Yam ! Les Harley ? Idem. Les Maxi scooters ? Euh, non, là faut pas pousser, hein ! « Je ne comprends pas qu’on passe le permis pour rouler sur ces trucs en plastiques et passer son temps à asticoter les motards en doublant par la droite. Ensuite, nous sommes partis voir le camion de plus près. Sobre avec un lettrage classe. Et on comprend bien le message. Avant tout, je dois vous rappeler que dans l’histoire de l’architecture minimaliste, il y a un must. C’est le Cabanon de l’architecte suisse Le Corbusier. Chaque centimètre carré est pensé par rapport à l’usage de l’unique occupant. Le Corbu s’était conçu un lieu pour lui, où il aurait tout à portée de main, au cœur de la nature. En visitant le camion avec moi, vous allez comprendre. Alors, Yves a ouvert les panneaux. Oté ! Quelle merveille. « Fais pas attention, il est crade car je suis malade et je n’ai pas eu la force de le nettoyer comme d’habitude ». Tu parles ! Vous vous rappelez que dans mon dernier post je distinguais les bouclards géniaux bordéliques et les ateliers chirurgicaux nickel ? A votre avis, dans quelle catégorie pouvons-nous ranger ceci ? Comme moi, Yves n’est pas un maniaque, mais un bordélique qui se soigne. Vous ne pouvez pas débarquer chez le client avec une poubelle dégueux et lui dire de ne pas s’inquiéter. Après, on peut en mettre un peu partout dans le feu de l’action, mais le client n’est pas là pour le voir, et quand le résultat fini est prêt, tout est rangé. « Mon but, c’est impacter au minimum le client. Il est le bienvenu si jamais il veut regarder un peu, mais autrement, je travaille sans le gêner. Je suis autonome. Il me faut juste une place pour le camion et une autre pour la bécane. J’ai installé un lavabo : pas besoin de saloper sa salle de bain ou sa cuisine. Bientôt j’aurais mon transfo et ce sera idéal pour le jus. Si c’est trop grave, j’ai mon rail, je hisse la bécane et je l’emmène à la maison…même si ma femme rouspète un peu de se voir envahie par toutes ces Harley. Le projet a commencé quand j’ai quitté la concession HD. J’avais des contacts, un budget pas pharaonique du tout, et une passion. » En littérature, il y a un groupe nommé Oulipo qui a toujours affirmé que la contrainte stimulait la créativité. Vous avez l’angoisse de la page blanche ? Ok. On va écrire un bouquin, mais sans utiliser la voyelle « e », la plus utilisée de la langue française. Et ce sera La Disparition de Georges Pérec. « Quand j’ai quitté la concession, donc, je devais monter un projet pour continuer à vivre de ma passion. Mais j’avais des contraintes budgétaires et administratives. Pas question de se planter. Pas question de s’endetter à vie pour un énième atelier qui risquait de crouler sous les charges et de déposer le bilan au bout de 2 ans de travail acharné pour rien. Alors, j’ai pris ce que j’avais, et j’ai regardé ce que je pouvais acheter. Le pragmatisme l’a emporté. Mes anciens clients me demandaient de passer chez eux, me proposaient de m’occuper de leur bécane. Je n’avais pas de local. Ils ne voulaient pas se déplacer. J’avais peu d’argent à investir. J’ai acheté et équipé mon camion ». GE-NIAL ! Simple, efficace et évident. C’était là. Il ne restait plus qu’à l’inventer et à le mettre en œuvre. Trop puissant le Yves ! Ensuite, des gens qui ont des idées, j’en connais un bon paquet au camion bar. « Y a qu’à faire ci. Allons lancer ça… » Mais rares sont ceux qui se lancent. C’est risqué. Et surtout, c’est beaucoup, vraiment beaucoup de travail. Et je ne vous parle pas des gens qui vous mettent des bâtons dans les roues en reportant sur vous leur frilosité « Marchera pas,. T’es qui pour faire ça ? T’es pas d’ici, blabla on connait la musique à Claymotorcycles.com. Yves a fait fi de ces tirs de barrages et il a foncé aux 4 coins de l’île, chevauchant sa baleine blanche suréquipée. Beaucoup d’usagers automobiles détestent la simple idée d’ouvrir le capot pour regarder le moteur. Ils ont juste acheté une carrosserie et un logo, histoire d’aller au boulot ou d’affirmer leur statut social. C’est vrai que, quand je gare ma meule à 3000 boules à côté d’une 48 rutilante postée à l’entrée d(une grande enseigne, je sais immédiatement qu’elle n’appartient, ni au magasinier, ni à un client. Je laisse toujours un flyer sur la meule, avec les coordonnées du blog et de la page FB. Pas facile, car il n’y a pas beaucoup d’aspérités où l’insérer, entre ce petit compteur et les durites avia. Les gars ne nous contactent jamais. J’imagine le patron serrant la main du vigile. Il attache son casque Ruby, ajuste l’ordi dans sa sacoche en cuir griffée HD, et soudain angoisse en regardant son guidon dénué de rayures : quelqu’un a touché sa Harley ! Malgré tout cela, je dois bien reconnaître qu’on n’achète pas une HD pour montrer qu’on est riche, mais pour réveiller le Rebel en soi, même si c’est souvent à grand renforts de marketing, même si cela se résume à porter un beau blouson orange au-dessus de sa chemisette. . Et quand il a un peu de temps libre, le motard quadra aime regarder le moteur. Il recherche auprès d’Yves les explications qu’il n’avait pas le temps d’assimiler quand il usait ses jeans sur les bancs de l’école de commerce, pendant que, sur le parking, des loubards déroulaient leur petite trousse à outils fétiche pour dépouiller soigneusement sa DT 50 de ses organes vitaux. Moi, c’est un peu différent. J’ai fait des études. Mais c’est mes potes qui étaient sur le parking. Et chez Nickel Moto, j’adore regarder travailler Jean-Marc, et filer un modeste coup de main. Mais je n’habite pas loin, alors je peux déposer la meule et repartir à pieds. Quand Yves vient chez vous, il est conscient du potentiel de désir suscité par ces belles machines. Il connait la vie et sait que vous manquez de temps, que c’est devenu une sorte de tourbillon affairé et affairiste, même au cœur de l’Océan Indien. Il sait très bien qu’un bon mécano ne s’occupe pas que de la belle, mais qu’il sait être à l’écoute de ses patients…euh, pardon, de ses clients. « J’aime bien prendre le temps de leur expliquer ce que je vais faire. Ce n’est pas juste un devis ésotérique avec des noms de pièces. Et pour le custom, là il faut se voir et passer beaucoup de moments ensemble, sur une longue période. Hors de question de toucher la machine tant qu’on ne sait pas exactement ce qui doit être fait. Il faut arrêter le projet, et pour que ce soit celui du client, il faut le conseiller pour qu’il exprime ce qui est adapté à son pilotage, à ses goûts, à ses moyens. l y a aussi pas mal de petits gars qui commencent directement la bécane avec une 883 et qui n’ont pas forcément un gros budget. Je bosse avec tout le monde, sans préjugés. . » A ton tour mon Yves, pour le Fameux Questionnaire Clay Motorcycles.Com ! 1. Années de pratique : depuis 1995 2. Motos passées et présentes : 600 Diversion (90 000 km en 4 ans) et maintenant mon Sporster en cours de prépa 3. Moto préférée : les HD : un sporster, car il faut un jouet, un touring, car il te faut aussi une moto. J’adore la Forty Eight. Quand tu la regardes, tu la trouves impossible à piloter. Pneus trop gros, cul par terre, réservoir trop petit. Mais la somme de ces défauts en fait la Harley parfaite. 4. Pourquoi la moto ? Un pote m’a conseillé de passer le permis en 93. Aucune tradition motarde dans la famille. Pourquoi pas ? Je l’ai passé le seul jour de l’année où il a neigé à Toulouse 5. Ma plus belle histoire de motard : C’est vraiment des questions à la con, Clay (Sourire !) C’est dur ! Je dirasi le relais calmos avec la FFMC à Toulouse. Ce type avec sa petite 125 SR, il avait installé un Sissy Bar pour accrocher un barda et un lecteur de cassettes à hauteur des oreilles ! Et aussi ce couple en 350 RDLC. La pauvre passagère était tellement congelée qu’il a fallu s’y mettre à 3 pour la déloger du siège. Ils venaient tous les ans. Une fois, il a fait la route juste avec la 4° et la 5°. On a du les pousser pour les lancer. La course, nous, on n’y allait pas, et on dormait 4h sur 3 jours. Mais ces échanges humains, c’était extraordinaire. 6. Ma pire expérience de motard : Aucune. Rien. Même les galères deviennent de bons moments. 7. Ce que je préfère : … Lire la suite de Allo, Docteur?
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