Sous le casque

Sylvain Tesson a réussi sa Berezina

Sylvain Tesson a réussi sa Berezina. Dans la langue usuelle, ce mot est synonyme d’échec total et de déconfiture apocalyptique. Mais en littérature, sous la plume de notre aventurier, et au guidon de side-cars Ural, Berezina est un sacré bon moment de lecture.

A la Réunion, nous avons quelques vieux sides BMW, et même un ou deux Ural tout neufs et fraîchement débarqués. Ces machines, souvent dotées d’une marche arrière, sont loin d’être aisées à piloter.

Tesson est connu dans pas mal de domaines d’aventures extrêmes comme la grimpe ou le vélo. Mais ce sont ses périples à bécane qui nous font rêver. Forcément. Je ne vais pas rentrer dans le détail de ses précédents exploits. Je ne vais pas non plus me laisser aller à la polémique. Quand le livre est sorti en 2015, sous forme de rectangle rouge, aux Editions Guerin, les rageux se sont déchainés, jaloux du succès. C’est d’ailleurs lors d’une fête liée à cet ouvrage que l’auteur a fait une grave chute de 10 m lors d’une séance de grimpe improvisée. Depuis, le bouquin est passé en poche et je l’ai lu.

Je n’avais pas eu le temps de m’en occuper, et il traînait sur une étagère. Mais là, avec une journée pluvieuse et des courbatures à calmer, je l’ai dévoré d’une traite. C’est obligé. L’auteur refait en side l’itinéraire de la retraite de Russie de la Grande Armée en 1812. Les aventures de notre bonhomme et de ses acolytes seraient-ils des coups médiatiques ? Bien entendu. Mais il y a une longue tradition d’aventures marquetée sous forme de reportages, de livres ou d’albums photos. Songez au commandant Cousteau, à Alain Bombard ou à Paul-Emile Victor. Qui oserait prétendre que ces aventuriers étaient de petits joueurs ? Il faut bien vivre non ? Ils me font bien marrer les gens qui prônent l’exploit anonyme sous-médiatisé sans bouger de leur bureau, coincés dans les limites étroites de leur « open space ». Et puis on s’en tape pas mal. Il faut se la faire la route de la Berezina en hiver. Mégalo le Tesson ? Peut-être, mais certainement pas mytho. Même en été, perso, j’aurais du mal. Le passage où les sides affrontent le blizzard de nuit avec de sales lunettes au milieu des trucks géants est horrifiant. Les rageux cherchent toujours à dénigrer les gens différents qui réinventent notre quotidien. Certes, les sides sont à la mode. Les nouveaux Kerouac surgissent désormais un peu partout sur le papier glacé des magazines onéreux. Mais nous pouvons reconnaître à Tesson le fait qu’il avait en ce domaine une sérieuse longueur d’avance, et que ce gars ne se contente pas de pérorer. Il peut s’autoriser de dire ce qu’il a fait, puisqu’il fait ce qu’il dit.

Et, de toute manière, peu m’importe la vie réelle de Sylvain Tesson. Est-ce un fils à papa ? Un poseur ? Un philosophe pour midinette ou un gourou hipster ? La seule question est : en lisant ce petit livre, a-t-on la sensation d’avoir les poignets qui gèlent ? La réponse est « oui ». Et c’est un motard nordiste, réunionnais d’adoption et qui vient de passer les fêtes de Noël avec une température moyenne de 34° qui vous le dit. Passionné d’histoire militaire, j’ai apprécié le tir croisé des personnages, lesquels se sont imprégnés des mémoires des différents protagonistes de la campagne de Russie. Ça sent bon la vodka, la folie slave, le bordel routier et les fringues qui ne parviennent pas à sécher. Il y a des problèmes mécaniques, des questionnements politiques et pas mal de réflexion sur notre façon de vivre actuelle. Trop matérialiste, trop ethnocentriste, trop déréalisée. Ce dernier aspect, même si les hipsters kerouaquisés nous l’ont servi jusqu’à la nausée, est l’occasion d’aphorismes assez marrants, et même parfois profonds. La langue est tantôt classique, tantôt digne des dialogues de San Antonio. Moi, ça me va.

juste en chier…

 

Motards, surfers, ou autres, nous avons tous ce goût de la limite et de l’adrénaline, à confronter nos corps, nos équipements et nos amitiés aux éléments. Je reviens de 3 jours passés à crapahuter dans le Cirque de Mafate avec un vieux sac militaire trop lourd. J’en ai chié en plein soleil pour grimper à la Roche Ancrée,  avec un dénivelé bien sadique, au milieu de paysages extraordinaires.

Pour grimper, suivez les marches…

3 jours sans me soucier du taux de fréquentation du blog ou de l’impact de ma page FB. 3 jours sans nouvelles de ma conseillère bancaire. 3 jours loin des infos sur les élections. Rien de tout ceci ne m’a manqué. Et ce sentiment d’évasion, quand je ne peux pas me perdre dans la nature à pieds ou en bécane, seul un bon livre comme celui de Tesson peut me permettre de le retrouver.

Bonne lecture !

 

 

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