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Objectif Road 66 - Claymotorcycles
La moto de caractère a enfin trouvé son photographe! Et le blog de la moto de caractère à la Réunion n’a pas fini de vous faire voyager… (Et moi ça me repose: en un an, c’est le premier post où je n’ai aucune tof à prendre!!!) Ce qui est chouette, quand on fait l’interview d’un photographe professionnel, c’est qu’il se sent relax, car, pour une fois, ce n’est pas lui qui est derrière le décor. Et pour un blogueur moto amateur, c’est un peu plus complexe. On se sent relax aussi, car Jean-Marc n’est pas motard. Il n’y a donc pas de jugement a priori sur mes motivations, ni de questions pièges pour tester mes connaissance (lesquelles sont encyclopédiques, comme chacun sait, essaye même pas mon pote !). Par contre, en tant que photoreporter à la manque avec mon phone et ma tablette, je me sens humble. Voilà, c’est pas comme d’habitude. Déjà, je suis très excité, car cela fait 48h que je bosse le XJR, après avoir bossé 48h sur le stand à Santa Maria. Si vous lisez ces lignes, vautré dans un canapé avec votre tablette qui se décharge, vous avez pu contempler, en avant-première, le XJR Claymotorcycles. Il y aura un post, bien entendu. Mais avouez que notre ami a du talent, pour avoir ainsi sublimé la bête et avoir su saisir le côté à la fois amusé et engagé du plaisantant qui tente de la piloter. Jean-Marc… Celui-là va me changer de mon Jean-Marc du Café Racer ! Il vient de m’appeler il y a 20 mn, quand je sortais de la douche (je sais, c’est très très excitant) dans une mare de savon et de graisse. J’ai rencontré Jean-Marc sur le stand Claymotorcycles, à la 2° Fête des Motards de la Réunion organisée par les Flibustiers Isla Bourbon Brotherhood. Je viens de finir mon « avion », et je ne suis pas peu fier, sanglé dans mon perf, quand j’arrive au niveau du casino de St Denis. Le personnel, en pause clope, regarde passer mon radical racer, et je perçois clairement que le feulement sourd, mais brutal et au ras du sol, des 4 cylindres en ligne, provoque son petit effet sur de jeunes femmes tout aussi libérées que ma ligne d’échappement. C’est juste à ce moment de félicité qu’un couple de jeunes caisseux, venant en sens inverse, dans l’autre allée, choisit d’utiliser une place libre de la bande de stationnement centrale comme raccourci pour traverser et me couper subitement la route. Merci Yamaha et les étriers de F1 ! Franchement, je voyais déjà mon p’tit chef d’œuvre sous cette saleté de 306 avec les jambes hachées menues par ma tôle tout juste sèche. J’envoie l’aiguille rouge dans les tours. C’te honte! « Tu veux vraiment me tuer gars? » Il prend un air gêné, comme ils font tous, dans le meilleur des cas. Et ne me sors pas « Je ne vous avez pas vu… »sinon je déglingue ton tas de boue à coups de jet. Je pose la latérale sur les pavés, devant la brasserie. Jean-Marc me fait un p’tit signe de la main et se marre. Il est peinard avec sa menthe à l’eau et son mégot. Derrière lui, une jeune fille tatouée et piercée sur tout le corps écoute notre conversation en jouant avec son téléphone. Ses yeux bleus comme l’encre du diamant qu’elle arbore dans la peau de son cou transpercent la fumée qu’elle exhale avec nonchalance. Il fait chaud. Faudrait la brancher pour un post sur la kustom kulture…Arhhg, ne te disperse pas Clay. Les photos. Chaque chose en son temps. Je fixe mon perf au dos de la chaise. Trop d’émotions : une double Grim s’impose, et bien vite, le houblon vient me mettre en mode zen. Je fête l’achèvement du XJR, seul dans ma tête. Avec Jean-Marc, pourtant on connecte bien vite. On discute de choses et d’autres. Je vois bien que mon nouveau pote n’est pas motard, car il décline mon invitation à aller contempler tout de go mon Tapis Volant (je sais, c’est con comme petit non, mais c’est ce que je ressens). « On ira la voir quand je te shooterai dessus » (Oté ! Pour une fois que je me rase, ça tombe bien !). «-J’ai quand même eu un XT 125 en 87. Me le suis fait tirer. J’en ai racheté un autre, et il a disparu au bout de 15 jours ! Depuis, je suis vacciné. Par contre, j’aime bien prendre des photos de motos. Et j’ai croisé un paquet de bikers sur la route 66. -Parlons-en de cette fameuse route : tu l’as faite en caisse alors… -Oui, j’ai loué. 3 mois. C’était le max à l’époque, pour le visa. -Une Mustang ? -Exactement, et je vais te dire que je regrette. Ce sont les nouveaux modèles flashy. Les vintages sont trop chères. Et là-bas, si tu fais la Route en Mustang, c’est que t’es un gros touriste ! Il y avait tellement de chemins avec des décors de dingues…mais je n’ai pas pu accéder avec le Ford. Si j’y retourne, ce sera en 4X4. -Je te comprends. Mon pote Olivier a loué une Mustang et une HD là-bas, alors ton histoire me parle. Mais pourquoi la 66 ? -Je vis à la Réunion depuis 30 ans. J’ai fait plein de trips photo en Inde et au Pakistan. J’ai des caisses de photos de vieilles Royal Enfield. Là, je voulais de l’espace, mais ailleurs. J’adore les belles bagnoles, alors j’ai fait San Francisco / New York, avec plein de détours notamment vers les parcs. » Pendant que Jean-Marc parle de son voyage, je commence à me jouer « Road Sixty Six » de Dépêche Mode dans la tête. Je suis comme cela, je me fais mes propres clips en off, pas vous ? Lui, il continue, et c’est passionnant. « J’aime les paysages péis, mais tu sais ce que c’est, on s’habitue et on finirait presque par ne plus les voir. Là-bas, j’ai vu des choses extraordinaires. J’adore le trekking, mais je suis avant tout un citadin. Aux States, j’ai visité des canyons sauvages et j’ai erré dans les rues immenses et désertes de Detroit. Une ville Art Déco incroyable avec des quartiers entiers laissés à l’abandon. -Oui, je connais la Gare Centrale. Un pur monument inaccessible. J’ai vu un documentaire sur les habitants qui font de l’art contemporain au cœur de cette grande ville sinistrée, pour y insuffler un peu de vie. -Comme tout le monde, j’ai tenté d’y pénétrer. Laisse tomber…Sinon, j’ai plein de photos de hot roads, de muscle cars, de paysages de dingues ! -Ta meilleure expérience ? -L’Utah, pour les paysages et le gens. Sinon, tout le centre des States est à l’abandon. Tout le pays entre les grandes villes n’est qu’une vaste décharge. Les gens sont juste sur le bord de la route à attendre. Il y a ce couple que j’ai vu entrer dans un bar, en tenue de camouflage, avec un énorme flingue à la ceinture. C’était comme dans un film. Mais là-bas, c’est juste la vie de tous les jours. -Ouah ! Et sinon tu voyageais comment ? -Je dormais en RB&B, une formule où tu es hébergé chez l’habitant. J’ai pioncé chez des Gangstas défoncés mais super cools, comme chez de jeunes femmes fort sympathiques. Parfois, je devais tout de même exploser le budget pour me payer une nuit dans un motel pourri. C’est là que je me suis fait tirer les 4 roues de la voiture de loc. Un vrombissement derrière nous. Tiens, je la connais pas cette Bonneville bordeaux… Jean-Marc, lui, scrute le ciel derrière ses Ray Ban Aviator. -Sinon, j’ai aussi une belle série de photos sur le stock car, les destruction derby. J’ai une expo prévue pour bientôt. Je te tiendrai au courant. Je cherche une salle. -Chouette ! Volontiers ! Et sinon, toi qui a vu évoluer la route sur la Réunion depuis 30 ans, quelles sont tes impressions? -Ecoute, Clay, je vais pas te servir les banalités sur la route en corniche. J’adore les belles caisses, la route… Mais je ne connaissais pas du tout le milieu motard. Et depuis que je m’y intéresse, je suis très agréablement surpris. -Ah ? -Oui, je fais de vraies rencontres. Et il existe entre vous une fraternité impensable entre automobilistes. » Tiens, faudra que j’en cause au gars qui a roulé son Hayabusa sur 300m en ville sur la voie juste à côté de moi sans jamais répondre à mes sourires. Mais je n’oublierai jamais non plus cet autre gars qui a garé sa BM pour me dépanner quand j’étais en galère avec le Dax et la gamine derrière en plein soleil. « -Je fais gaffe aux motards sur la route. Je serre toujours pour les laisser passer. Faut avouer que parfois vous arrivez vite et on ne vous voit pas venir. -C’est chouette de ta part, Jean-Marc. Si tout le monde faisait comme toi. Faut pas croire, quand on vous dit « merci », le cœur y est! -Ok, mais ça, on le fait aussi en caisse, se dire « merci ». -Ah ouhais ? En auto, tu arrives à dire merci avec les pieds, toi ? -Ah !Ah ! » Et oui, Clay n’a pas fait l’Ecole du Rire, mais c’est tout de même un gros plaisantin, le saviez-vous ? « -Ecoute, Jean-Marc, ton voyage et tes photos font rêver. Et nous causons ensemble depuis une heure déjà et je n’ai pas vu le temps passer. Merci de ta patience, mais il est venu le moment de poser les questions qui fâchent. -N’hésite pas, j’aime bien la franchise ! -Alors voilà, ton travail est très axé sur l’hyperréalisme. -Jusque-là je te suis. Je suis autodidacte. J’ai fait une école de cinéma, mais cela ne m’a préparé en rien à la photo. Je ne savais ni peindre, ni dessiner, alors la photo est devenu mon média. » J’aime bien, quand la contrainte oblige à révéler des dons qui deviennent des compétences. « -Ok, nous sommes bien sur la même longueur d’onde. Ne le prends pas mal, mais quelle est la différence entre tes œuvres et un cliché bien bidouillé par un hipster sur Instagram ? Là, mon Jean-Marc prend de l’ampleur. Il tombe les Ray-Ban et ses yeux transpercent encore plus fort que ceux de la fille piercée qui écoute toujours tout. Il sourit fort et ses mains moulinent dans les airs, comme s’il décrochait de vieux argentiques d’une corde à linge. On ne rigole plus. Le garçon est figé comme dans un tableau de David Hockney, son torchon sur le coude, et derrière moi, la circulation est suspendue. Le temps s’arrête. Notre artiste parle de son boulot. « La différence ? C’est que tout le monde copie tout le monde, avec les mêmes procédés. N’importe quel rigolo se prend pour un photographe grâce aux logiciels et aux sites de photo en ligne. J’utilise ces logiciels. Mais je sais avant tout prendre des photos. Saisir un instant, faire vivre une émotion, capter un personnage. Tu peux avoir tous les outils que tu veux : il te faut avant tout une vraie photo, quoi qu’il arrive. Elle doit raconter une histoire. Photographier, c’est peindre avec de la lumière ! J’aime la lumière des maîtres flamands. » Là, les quelques ancêtres bataves de Clay trépignent de joie. Les secrets de fabrication! Le bleu Vermeer! La bière belge à triple fermentation! « Bon, on se calme, les gars! » (ça, ce sont les fantômes anglais et écossais qui tirent la gueule. Bin oui, la bière tiède et plate…) « -100% d’accord. Et l’argentique ? -Je ne vais pas te mentir, cela ne me manque pas du tout. -Hum…j’aimais bien développer mes photos avec mon p’tit labo portatif. Il est vrai que je n’ai plus le temps. Mais les photographes pleurent leur Leïca et chialent leur argentique. Il y a même une artiste à l’ancienne mairie de Saint Denis qui expose de magnifiques clichés pris avec une simple boîte et un trou. Les DJ utilisent des disques vinyles! Et pourquoi pas des cassettes? A quand le nouveau Star Wars en VHS? On dissimule les IE derrière de faux carbus british , et les gens se ruinent en after market pour masquer la technologie japonaise! Les...
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